Rencontre entre deux mondes. [PV]

L'assourdissant silence de la pièce fut perturbé par le battement léger des ailes d’un papillon. L’insecte, d’un noir profond, semblait flotter dans l’air. Il se dirigeait inexorablement vers la porte à l’opposé de la pièce. Lorsque ses ailes fragiles effleurèrent la porte, cette dernière s’ouvrit. Le silence se mût en vacarme. Une dizaine de Shinigami débâtaient, concentrés à leurs tâches. Le papillon de l’enfer continua sa route vers une silhouette vêtue d’un haori blanc. L’homme tendit sa main vers lui. Après quelques secondes, le papillon reprit son envol et partit.

« Je dois m’absenter, je ne sais pas quand je reviendrai. »

Alors que l’expression de surprise s’effaça des visages, à nouveau tournés vers leurs travaux, le capitaine Eldric se retourna et quitta la salle d’un pas maitrisé et serein.

Les lourdes portes, frappées du symbole de la Ière Division, se mirent à tourner sur leurs gonds. Sans que Kioshi n’eusse besoin de modifier son pas, il entra dans l’enceinte de l’imposant bâtiment. Arrivé devant la salle de réception du commandant-capitaine, il marqua une pose.

« Veuillez entrer, capitaine »

Kioshi s’exécuta et entra dans la grande pièce. Il se dirigea vers la position décidée par le protocole. Le visage du commandant semblait calme. Rien de bien grave dût se passer, pensa Kioshi.

« Plusieurs Espada on été observés dans le monde réel »

Kioshi se contenta d’hocher la tête.

« Un des observateur a rapporté qu’un groupe d’Arrancar avait tué certains de ceux qui se nomment eux-mêmes des Vizard ainsi que certains de leurs congénères. »

« Je vois, quelle est la situation des Espadas ? »

« Inconnue. »

Sur ce mot, le capitaine Eldric se retourna et quitta la pièce. Les quelques mots du commandant-capitaine étaient suffisants pour qu’il sache exactement ce qu’il devait faire. Il retourna dans le quartier de la XIIème Division. Arrivé à la salle de réunion de sa division, il fit quérir un groupe de quatre Shinigami. Ils devaient faire le plus vite possible, car il était peu probable que les Arrancar les laissent récupérer des matières d’analyses aussi dangereuses que des restes d’un Vizard. Une certaine excitation parcourait les scientifiques Shinigami, Kioshi semblait de marbre. Intérieurement, cependant, une intense excitation le parcourait, comme celle ressentit aux prémisses d’une grande jouissance intellectuelle. Une petite heure plus tard, au milieu d'une grande cour, le groupe franchit un portail vers le monde réel accompagné de leurs papillons de l’enfer.

La ruelle était vide mais les bruits innombrables de la ville résonnaient entre les murs. Les observateurs avaient déjà tissé une protection pour repousser les humains. Le groupe arriva bientôt dans une petite arrière-cour. Le sol était jonché de débris. Certains débris semblaient être si imprégnés de sang qu’ils avaient prit une couleur rouge cramoisi. Un des scientifiques glissa sur une pierre, brisant le semblant de silence créé par la tension des chercheurs, comme si la valeur stratégique de la mission les avaient coupé du reste du monde. Les bruits de la ville se refirent entendre à l’instant même où ils furent distraits. Seul, au devant des quatre scientifiques, leur capitaine semblait garder sa sérénité. Attentif à tous les détails, Kioshi balayait son environnement de son esprit aiguisé. Les gens qui les avaient précédés ne devaient pas connaitre le sens du mot « subtilité », pensa le capitaine. Il n’avait pas le temps de tergiverser sur le combat qui s’était déroulé ici, il devait trouver les restes de ces fameux « Vizard » avant que des Arrancar ou des congénères de ces cadavres ne viennent contrarier leur mission.

Après une rapide recherche, le groupe tomba sur ce qui semblait être le lieu de la fin du combat. Les alentours semblaient avoir été soumis à tellement de reiatsu qu’ils s’en sont trouvés imprégnés, émettant dans toutes les directions des reiatsu différents, compliquant le travail de vérification de la sûreté des lieux. Vers le milieu de la place, le groupe tomba nez à nez sur ce qui semblait être un cadavre. Ce qui était arrivé au reste qui ne semblait même plus « humain », il ne le savait pas vraiment, mais ce n’était pas l’heure des analyses. Le corps se décomposait très lentement. Petits bouts par petits bouts, le corps se transformait en particules spirituelles. Si les observateurs n’avaient pas utiliser rapidement leurs seringues de cicatrisation, ralentissant la décomposition spirituelle, tout le corps aurait déjà disparu. Le corps n’était pas celui d’un Vizard, ils venaient de mettre la main sur le cadavre d’un Arrancar. Malgré leurs recherches aucune trace d’autres corps, aucun reste de Vizard n’avait subsisté. L’équipe se mit rapidement au travail et récupéra tout le matériel nécessaire et disponible. Kioshi, lui, était immobile scrutant avec attention les environs. Une fois toutes les informations et les échantillons prélevés, il rouvrit le portail et laissa passer les Shinigami de sa division en premier pour assurer leurs arrières. Il ressentit comme une mauvaise impression alors qui posait son deuxième pied dans le passage.

L’empire des cieux m’appartenait, à moi seul et à personne d’autre. Je ne saurai souffrir de la remise en cause de ma légitimité sur ce royaume. Je dominais les hommes, je dominais la ville, la terre et les nuages. J’étais si haut dans le ciel que toutes ces vies qui s’agitaient en bas me paraissaient insignifiantes. Si petites, si vaines, si méprisables !
Etait-ce cela le pouvoir ? La prétention au divin entrainait-elle obligatoirement cette auto suffisance ? Quelle connerie.
Seuls les attardés pouvaient vouloir de ça, de cette cécité sur leurs propres forces, de cette risible soif d’absolu. Qui pouvait donc prétendre au rang d’éternel ? Tous ceux qui pensaient avoir marqué l’Histoire finiront par disparaître, quelques soient leurs actions, quelques soient leur nom. Rien ne pouvait résister à l’usure du Temps. Les souvenirs s’égrenaient et la vie des choses passées finissaient par être oubliée.
Je disparaitrai. Mon nom me survivra peut être quelques années puis s’effacera à son tour. Et ce qui s’appliquait à moi, s’appliquait à tout. Même la pierre était condamnée à la poussière.
Ça n’avait pas de sens, et après ? Quand tout aura disparu et qu’il n’y aurait plus rien pour se souvenir de ce monde disparu, peu importe le sens puisque que personne ne sera là pour s’en soucier.
J’étais l’oubli mais également la mémoire que rien n’échappait au Temps.
Rien du tout.

Mais ces pensées métaphysiques m’échauffaient déjà avant même qu’elles aient été formulées. Mille fois ressassées et toujours sans réponse. Je n’avais pas la prétention de résoudre à moi seul les questions qu’elles posaient, je me contentais simplement de les incarner et viendrait peut-être un jour quelqu’un qui donnera sens à mon fardeau.
Mais pas aujourd’hui j’avais à faire.
Je fis un pas dans le vide et mon pied se posa sur une marche invisible. J’étais à huit cents mètres au dessus de Karakura et je donnais l’impression de descendre un escalier reliant la terre et le ciel. J’ose penser avoir eu une certaine classe à descendre ainsi vers la ville. Mon habit fouetté par le vent donnant l’illusion de grandes ailes me drapant et ma démarche impérieuse jouant beaucoup dans cette impression narcissique. Une divinité ralliant le monde mortel n’aurait pu avoir l’air si impressionnant.
Dommage que ma nature d’entité spirituelle ne me permettait pas d’être visible aux yeux de 99.8% des humains. Et c’est complètement ignoré des passants que je posa le pied au milieu d’une grande rue bondée. Personne ne se formalisa de voir débarquer de ciel un type sans yeux et bizarrement vêtu. Pas de cri d’horreur, pas de cavalcade terrifiée, le vide complet. Un pet de mouche n’aurait pu passer plus inaperçu. Il ne me fallut pas plus d’un coup d’œil pour constater qu’aucune âme puissante n’était présente dans l’allée, d’où la profonde inertie de la masse humaine. Tant mieux au fond, je n’avais franchement pas envie de me coltiner une crise d’hystérie ou une débandade affolée. Même s’il fallait l’admettre qu’une si belle entrée gâchée par l’absence de public, c’était sacrément énervant. Mais peu importe, je pleurerai un bon coup en rentrant à Las Noches et la vie continuera.

Comme à chaque fois qu’une mission de l’Espada se déroulait dans le monde réel, j’étais chargé de passer derrière pour vérifier la véracité du rapport. Nagare était tellement prudent qu’il préférait vérifier qu’aucune information utile ne soit laissée à l’adversaire. Me charger d’un tel rôle c’était à la fois flatteur et humiliant. J’avais le rôle du ramasse miette. Enfin je crois, je ne me souviens pas si cette mission donnée autrefois par le chef de l’Espada était toujours effective aujourd’hui mais par habitude je continuais à suivre les directives quotidiennement.
Je passais derrière les autres pour vérifier qu’ils n’avaient laissé aucune trace de leur passage pouvant compromettre les intérêts du Hueco Mundo. Dans la théorie je n’étais qu’un nettoyeur. Dans les faits, j’avais hélas également ma part de combats. Les Shinigamis étaient attirés comme des insectes par le reiatsu d’origine hollow. Il y en avait toujours un ou deux qui trainaient dans les parages, cherchant à trouver la source du dit reiatsu (souvent déjà bien loin). Alors lorsque je fus à une centaine de mètres du lieu où s’étaient déroulés les affrontements de la Novena et de la Secunda, quelle désagréable surprise se fut de constater la présence du reiatsu d’au moins cinq Shinigami, dont un qui appartenait très vraisemblablement à un capitaine.
Fort heureusement j’étais loin d’eux et j’avais pris la peine de dissimuler mon énergie en arrivant. Ils ne m’avaient sans doute pas senti. Sauf si l’un d’eux était spécialisé dans la perception spirituelle, auquel cas je ne ferai pas illusion longtemps.

Soudainement, c’est avec horreur que je compris ce qui avait attiré l’attention de la Soul Society en ces lieux. Grâce à mon Pesquis, malgré la distance et les bâtiments qui me séparaient d’eux , je pus voir le cadavre. Du moins pas au sens propre, mais le reiatsu d’arrancar qui s’en dégageait était clairement identifiable. Il se mêlait à l’intérieur deux natures d’énergie différentes, l’une appartenant à l’arrancar renégat probablement et l’autre, verdâtre et macabre, que je reconnus sans mal. Celui de la Novena.
Comment pouvait-on atteindre un tel degré d’inconscience ? Un corps d’arrancar même pas dissipé ! Et en plus de laisser derrière elles le cadavre de leur victime, les Espada avaient éparpillé leurs énergies à peu partout dans les murs de la bâtisse, énergies pouvant être analysées et permettre à l’ennemi de formidables avancées qui pourraient se révéler dangereuses à long terme.
Je fus tiré de mes réflexions furieuses par une brusque vibration dans les flux de reiatsu environnant, signe caractéristique de l’ouverture d’un portail. Ils repartaient déjà pour la Soul Society ? Je ne pouvais pas les laisser partir accompagnés d’un mort pouvant porter à lui seul préjudice à l’ensemble du Hueco Mundo ! Avant que je n’eusse fait un pas, les Shinigami n’étaient plus là.
Je m’approcha néanmoins rapidement du bâtiment en piteux état, et me servant de mon Pesquis, je scruta l’immeuble à la recherche d’autres bêtises dans le genre du cadavre. Kakita et Kumo avaient du vraiment être distraites par quelque chose pour commettre une erreur si peu professionnelle. Mais il n’y avait plus rien d’intéressant ici, du moins pas au point de s’attarder et laisser les Shinigami s’enfuir avec leur précieux butin.

D’un geste j’invoqua le Garganta et m’y engouffra précipitamment, abandonnant le monde humain pour un lieu bien plus rassurant. Ou plutôt était-ce un non lieu. Un vide silencieux, agité de formes aux contours flous, un néant calme et reposant de par son inertie sereine.
Ici je me sentais bien. Ici je n’avais que le désir d’ouvrir les bras et de disparaître dans ces ténèbres. Je flottais dans cette obscurité, transporté par des vagues d’encre et bercé par les remous.
Rien n’avait de sens et c’était parfait ainsi. Je voulais oublier la vie, oublier l’existence, ne plus être moi, juste ne pas être.
Mais mon sanctuaire devait m’être arraché car le devoir passait avant mon confort. L’abandon serait pour plus tard.
J’ouvris un autre passage vers le tunnel reliant la Soul Society et le monde réel. J’apparus directement face au groupe scientifique, ne cherchant même pas à me cacher car j’avais à leur parler. En soi tout ce que je voulais c’était le corps, leur mort ne m’apporterait rien si ce n’est des blessures s’ils cherchaient à se défendre. Or si quatre d’entre eux ne représentaient pas un très grand danger, il en allait autrement du dernier qui illuminait la grotte par sa simple présence.

« Messieurs, ou mesdames, ou les deux je l’ignore, dis-je en relevant la tête, découvrant le masque qui me couvrait les orbites, je crains de ne pouvoir vous laisser continuer plus loin avec ce corps.
Partant de l’espérance infondée qu’il y ait des gens raisonnables à la Soul Society, je vais vous demander de me remettre le cadavre de cet arrancar sans faire d’histoire ni protestation, ce qui nous permettrait à tous de ne pas nous engager dans un combat aussi dangereux qu’inutile. »

[HRP: Pardon s'il reste quelques fautes, je commence à être un peu chancelant]

La lumière émise par la porte se tût, laissant Kioshi et son équipe dans le noir.
Quel type d’adversaire représentait ce cadavre ? Si les rapports des observateurs étaient exacts, le combat avait été d’une rare violence.
Depuis combien de temps n’était-il pas sorti du Seireitei ?
Déjà presque une décennie à la tête de la XIIème Division et de l’institut de développement et de recherche. Les échantillons transportés par les Shinigami dans leurs sacoches allaient peut être constituer un tournant dans la lutte contre les Arrancar. Ils n’avaient pas réellement pris le temps d’analyser le corps, cette hâte avait fait naitre en leur capitaine une frustration qui ne voulait pas le quitter. Impossible de faire une enquête avant de toucher au corps.
L’air frais et l’absence de lumière dans le tunnel apaisait Kioshi. Le calme et la retenue qu’il affichait constamment à l’extérieur correspondait désormais à son état psychologique. Alors que ses yeux s’habituaient au manque de luminosité, ses pensées se mirent à assaillir à nouveau son cerveau.
A quoi pouvaient bien penser ses Arrancar qui se battent en plein milieu d’une des villes les plus surveillées du Japon ?
Pensaient-ils vraiment pouvoir se battre sans se faire remarquer contre un tel adversaire ?

Libérateur et protecteur sont des mots qui définissent la raison d’être des Shinigami. Libérer l’âme des humains avant de se faire dévorer est leur devoir. Depuis combien de temps le capitaine de la XIIème Division n’avait pas libéré d’âmes, tuées de Hollow ? Le Seireitei était une société organisée et réfléchie contre l’anarchie du Hueco Mundo. Aujourd’hui que, de cette anarchie un semblant d’ordre apparaisse, ce devoir de protéger les humains risque de ne devenir qu’une guerre ouverte et les humains en seront les premières victimes. Beaucoup de choses ont été dites, murmurées, suggérées sur ses fameux Arrancar, une simple analyse purement physique des échantillons pourra-t’elle infirmer ou affirmer toutes ses rumeurs ? D’après les rapports, les Arrancar seraient un croisement entre des Hollow et des Shinigami. Le désir de commander à travers une hiérarchie et de créer un semblant d’ordre trahissent des sentiments purement humains et a fortiori Shinigami. Quels autres traits ont-ils hérités de leur métissage ? Les Arrancar pourraient, sans le vouloir, vraiment devenir la clé de voûte d’un nouvel équilibre. Si la propagation des sentiments et des désirs humains dans leurs gènes continue de s’étendre, ne pourrait-on pas aboutir à l’extinction de la faim des Hollow ? Tout est une question d’équilibre, de juste milieu, les Shinigami et les Hollow constituent deux antagonismes intimement liés. Tout deux condamnés à se battre pour la survie, de leur conscience et de leur morale pour les Shinigami, et de leur terrain de chasse pour les Hollow.
Malgré le fait d’avoir souvent foulé le sol du Monde Réel pour des recherches, alors qu’il travaillait encore pour l’équipe de Recherche et de Récupération de Données, Kioshi n’avait jamais vraiment pris le temps de revenir à sa vie antérieure. Il pensait tout connaitre des humains, mais maintenant plus d’un siècle plus tard, que verrait-il, quelle opinion se ferait-il de ces humains pour qui des milliards d’âmes se battent tous les jours sans qu’ils ne s’en aperçoivent ?

La peur de mourir est un sentiment commun à tout être conscient de sa propre existence, ce qui tend à dire que les Hollow n’ont pas conscience de la leur. Cependant, les Arrancar devraient eux aussi être maudits par la même occasion. La contradiction est une chose que Kioshi connait et qu’il maitrise bien malgré lui, son pouvoir et son empathie peut se révéler tout deux être un poids comme une bénédiction. Pour lui, il en va de même pour la conscience de la mort. Comment un Arrancar après avoir passé autant de temps à n’être qu’une créature assoiffée par une inextinguible faim peut réagir à la connaissance brutale de son destin ? Leurs corps sont immortels au temps, mais leur cerveau est fait pour les rappeler à la réalité de la guerre. Cette immortalité peut changer du tout au tout leur vision. Doivent-il essayer de devenir plus fort et avoir la prétention de penser que personne ne pourra les battre ? Ou doivent-il vivre dans l’exclusion, abandonner le combat qui leur incombe ? Une part de vérité se cache surement dans l’un comme dans l’autre. La décision que prendront les Arrancar quant à cette question pourrait changer la stratégie des Shinigami et amener plus de victoires.

L’air ne semblait plus souffler sur le visage du capitaine, tout était en suspend. Les Shinigami à ses côtés semblaient eux aussi perdus dans leurs pensées. Une soudaine décharge d’endorphine se libéra dans son cerveau, comme si son inconscient avait senti l’approche imminente d’un événement qui le rendrait heureux.
Un homme était apparu devant eux. Son visage était à moitié caché sous un chapeau fait de paille semblerait-il, sa tenue quoi qu’inhabituelle était impeccable et faite d’un tissu blanc immaculé. Même si ses yeux étaient cachés sous son chapeau, ils sentaient son regard droit fixé sur eux. Le reiatsu qu’il émettait était constant et maitrisé tout comme celui d’un capitaine. Il n’avait que peu de doutes sur l’identité du visiteur. Kioshi décida de traverser ses quatre compagnons pour se mettre devant eux, tout cela d’un pas lent mais assuré.

« Messieurs, ou mesdames, ou les deux je l’ignore, je crains de ne pouvoir vous laisser continuer plus loin avec ce corps.
Partant de l’espérance infondée qu’il y ait des gens raisonnables à la Soul Society, je vais vous demander de me remettre le cadavre de cet arrancar sans faire d’histoire ni protestation, ce qui nous permettrait à tous de ne pas nous engager dans un combat aussi dangereux qu’inutile. »

Il avait parlé d’un ton calme et sans précipitation. Une des Shinigami, à la droite du capitaine, fit un geste comme pour protéger sa sacoche. Ce geste était inutile bien entendu, mais il représentait un défi.
Le premier test que Kioshi fit passer à son mystérieux interlocuteur fut celui de la patience : ainsi il attendit une bonne quinzaine de secondes pour répondre.

« Raisonnable … la raison est une notion bien subjective, Arrancar-san. »

Il marqua une pause.

« Est-ce que la peur ou bien même le désir est raisonnable ? Quand bien même j’aurai eu peur, serait-ce elle ou mon désir de protéger ma trouvaille qui deviendrait raison à mon sens ? »

« Un combat inutile, j’avoue que je suis d’accord avec vous, Arrancar-san. Cependant, je crains de ne pouvoir accéder à votre requête.
Permettez-moi donc de vous poser une question, êtes-vous celui qui a tué cet Arrancar ? ou n’êtes-vous qu’un nettoyeur ?»

Merde.
Je n’avais rien d’autre à dire si ce n’est cette grossièreté. Cet unique mot, à lui seul, synthétisé l’entièreté de ma pensée. Merde parce que mon apparition n’avait pas soulevé l’effet escompté. Au lieu de tétaniser d’effroi mes interlocuteurs, à peine eu-je droit à quelques soupirs de lassitude. Ces idiots devaient trouver leur courage dans la présence de leur capitaine. Et merde parce que le dit capitaine refusait de me remettre le corps. À priori, les gens raisonnables n’existaient pas à la Soul Society, ce qui m’étonnait guère en vérité.
Il s’agissait d’un homme à l’entendre, sa voix suave et dégoulinante m’évoquait l’image d’un sirop épais et gras. Une voix désagréable, d’autant plus qu’elle était porteuse d’une fierté sans doute mal placée.
Ce type me gonflait. Je ne voulais pas encaisser de refus, or il me contrariait dans mon attente. Pire, il donnait l’air d’être totalement imperméable à ma présence. Etais-je si peu impressionnant ? Surement pas, ce gars était juste imbu de sa propre personne et pensait pouvoir me tenir tête sans effort. À tort, et c’en était que plus irritant. Je crois qu’il allait falloir éclaircir les choses, lui faire prendre conscience de la gravité de la situation et que je n’étais pas là pour parloter pendant des heures. Je préférais n’avoir à m’occuper que d’un seul corps plutôt que six :

« Je ne suis pas ici pour répondre à vos questions Shinigami. Sachez juste que je ne suis pas le responsable de la mort de ce gars, car sinon il n’en serait rien resté pour vous autres.
Vous dites ne pas pouvoir accéder à ma requête, vous vous trompez sur un point. Ce n’est pas une requête, c’est un ordre. Il ne s’agit pas d’un échange de bons procédés, je ne marchande pas avec vous des réponses contre ce cadavre. »

Il fallait mettre les choses au clair. La prétention n’avait pas sa place ici, seule la force importait. Or sur ce sujet, ce capitaine et moi, en terme de qualité de reiatsu, nous étions à peu près à égalité. Sauf que lui trainait un poids mort derrière lui, quatre en fait. D’un geste lent, je saisis le pommeau de mon Zampakuto, qui était pour l’instant encore partiellement dissimulé par mes vêtements.

« Qu’est ce qui a le plus de valeur pour vous? Cet arrancar mort, qui n’a plus de commun avec les affaires des vivants, ou la vie de vos subordonnés ? La science a-t-elle plus de grâce à vos yeux que l’existence de ces Shinigamis qui vous accompagnent ? Je n’hésiterai pas à les tuer un à un si cela peut vous faire fléchir. Vous êtes seul à choisir maintenant vers qui vont vos priorités. Des compagnons dévoués ou un cadavre, bien que précieux, qui n’en reste pas moins un cadavre. »

Avec un bruit feutré, ma lame quitta son fourreau. L’arme torturée scintilla dans l’air pesant du tunnel, comme avide des massacres que je pouvais lui offrir. Ses crocs et sa forme courbée ne la laissait paraître que plus menaçante. Le pommeau dans ma main gauche, la pointe tendue vers le groupe, je conclus par ces mots :

« Ne me faites pas perdre mon temps. Je vous ai laissé, et vous laisse encore, la possibilité de continuer votre chemin sans dommage, d’autres seraient bien moins généreux. La seul condition étant la restitution du corps.
Maintenant décidez vous, car votre répondre décidera de l’état dans lequel vous rejoindrez la Soul Society. »

La structure du mur, les dimensions exactes du tunnel, tout était enregistré, analysé par le cerveau de Kioshi. Son adversaire radiait de puissance, et même si le Shinigami avait l’avantage du terrain, il fallait essayer d’éviter tout conflit. Les Shinigami l’accompagnant étaient tous des membres d’une équipe de Recherche et Récupération de Données, ils pouvaient se débrouiller pour fuir si leur capitaine pouvait tenir l’Arrancar à distance. Il ne valait pas le coup de tenter le diable. Kioshi garda son air neutre et détaché.

« Je ne suis pas ici pour répondre à vos questions Shinigami. Sachez juste que je ne suis pas le responsable de la mort de ce gars, car sinon il n’en serait rien resté pour vous autres.
Vous dites ne pas pouvoir accéder à ma requête, vous vous trompez sur un point. Ce n’est pas une requête, c’est un ordre. Il ne s’agit pas d’un échange de bons procédés, je ne marchande pas avec vous des réponses contre ce cadavre. »

Il était temps de récolter toutes les informations que Kioshi désirait. Comme prévu la réponse à cette question inutile s’avérait très constructive. Ces propos semblaient emplis de frustration, logiquement dû à son refus d’obtempérer, pensa Kioshi. Espérait-il vraiment détruire des échantillons précieux en présentant comme seul argument une puissance à priori à peu près égale à la sienne ? Dans un lieu qu’il connaissait parfaitement pour l’avoir étudié, dans les registres de sa division, de long en large ?
Cependant, il devait y avoir quelque chose d’autre. Sa deuxième phrase cachait un sentiment plus profond. Était-il en froid avec les Arrancars ayant participé à la mort du précieux cadavre ? Etait-il possible que des tensions puissent être utilisées pour prendre l’ascendant ? Ce n’était peut-être que l’ennui qu’il éprouvait face à une mission de « simple » nettoyage. Une idée à creuser, se dit le capitaine de la XIIème Division.

Toute l’attention de Kioshi fut, en une fraction de seconde, détournée vers le pommeau du sabre de l’Arrancar. Il a le sang chaud, pensa le capitaine, à peine la discution commencée que les arguments les plus tranchants sont mis au clair. Il devait trouver une solution et rapidement, la vie des Shinigami l’accompagnant risquait d’être en jeu.

« Qu’est-ce qui a le plus de valeur pour vous? Cet arrancar mort, qui n’a plus de commun avec les affaires des vivants, ou la vie de vos subordonnés ? La science a-t-elle plus de grâce à vos yeux que l’existence de ces Shinigamis qui vous accompagnent ? Je n’hésiterai pas à les tuer un à un si cela peut vous faire fléchir. Vous êtes seul à choisir maintenant vers qui vont vos priorités. Des compagnons dévoués ou un cadavre, bien que précieux, qui n’en reste pas moins un cadavre. »

Cette question, Kioshi se la posait depuis le début de la rencontre. Comment allait-il éloigner l’équipe qui l’accompagnait de cet Arrancar ?

« Ne me faites pas perdre mon temps. Je vous ai laissé, et vous laisse encore, la possibilité de continuer votre chemin sans dommage, d’autres seraient bien moins généreux. La seule condition étant la restitution du corps.
Maintenant décidez vous, car votre répondre décidera de l’état dans lequel vous rejoindrez la Soul Society. »

Il n’était plus question d’analyser les dires du visiteur, les évènements avaient tourné très rapidement en une situation critique pour les quatre Shinigami.

« S’attaque aux faibles et impatient ? Tu n’as pas été très gâté lors de ton Arrancarisation. »

Le sabre de son adversaire était levé et pointé vers eux. La seconde - s’il avait de bons reflexes - pour mettre son épée en position pour attaquer et l’autre pour effectuer un Sonido offensif était exactement ce dont il avait besoin. Alors que les derniers mots sortaient de sa bouche, Kioshi dans un mouvement d’Iaido aussi rapide que précis découpa les papillons de l’enfer avec son Wakizashi bien plus léger et rapide que l’arme de son adversaire. Un bruit se fit entendre derrière l’Arrancar alors que le Kototsu chargeait à pleine vitesse à travers le Dangai vers l’Arrancar. Sans hésitation et sans tergiverser davantage, Kioshi tendit le bras.

« Bakudo no jû-kyu : Kekkai »

Une immense barrière se dressa devant la main du capitaine, emplissant complètement l’espace exiguë du tunnel. Entrainé pour le terrain, le groupe des quatre Shinigami se mit à courir le plus rapidement possible vers l’autre extrémité du portail vers le monde humain.

J’admets que charger le petit groupe aurait été, dans la théorie, une idée séduisante. Brutale, simple et surtout efficace. Néanmoins un tel manque de finesse aurait pu m’être préjudiciable à cause d’une donnée inconnue. La vitesse du capitaine. Je me savais rapide mais peut être que lui l’était plus encore. Ainsi pourrait-il parer mon attaque et le combat n’aurait qu’à commencer. Et malgré mes menaces, je ne souhaitais pas me battre, simplement récupérer ces maudits échantillons puis rejoindre le Hueco Mundo pour me reposer. Mais à priori, le capitaine ne partageait pas mes aspirations.
Je ne répliqua pas à ses sarcasmes, après tout qu’avais-je à faire de son opinion. Mais alors que j’en étais encore à m’interroger sur l’attitude à adopter, ce qui suivit me pris totalement au dépourvu. En un instant, les papillons qui voletaient autour du groupe Shinigami furent mis en morceau par le capitaine sans nom. Je ne m’étais jamais vraiment interrogé sur le rôle de ces insectes, toutefois le fracas qui explosa derrière moi me donna un semblant de réponse. D’un bond, je me retourna vers la source du bruit et vit grâce à mon Pesquis la masse de reiatsu qui fonçait vers moi. Le capitaine profita de ma surprise pour créer une barrière au milieu du tunnel, me bloquant ainsi l’accès vers le monde des humains. Ses compagnons en profitèrent pour s’enfuir, laissant leur supérieur s’occuper du vil arrancar que j’étais. C’est ainsi que je fus coincé entre une barrière infranchissable et une machine qui me chargeait furieusement.
Malgré le danger qui venait vers moi, je reporta mon attention sur le Shinigami :

« C’est un plan intelligent dans sa forme mais au final, stupide dans son fond, dis-je presque en hurlant, ma voix étouffée par le brouhaha du Kototsu, me couper toute retraite et m’emprisonner avec cette chose, c’est brillant ! »

Le train fantôme n’était plus qu’à une trentaine de mètres derrière moi. Je ne lui accorda pas un regard.

« Toutefois me contrarier alors que vous avez sous votre responsabilité la vie de quatre personnes, est selon moi plus qu’idiot. Me donner ces échantillons auraient permis à vos subordonnés de ne pas payer pour vos erreurs. »

Je savais les autres Shinigami bien loin à présents, mes paroles n’avaient à ce moment là aucune pertinence. Mais leur capitaine pensait-il sérieusement que, parce que j’étais enfermé dans le tunnel, je n’avais aucun moyen de retrouver ses subordonnés et de les mettre en morceaux ?

« Maintenant, excusez moi mais j’ai à faire. »

D’un geste du poignet droit, j’ouvris un passage vers le Garganta. Me bloquer la sortie du tunnel n’avait aucun sens car j’avais à ma disposition d’autres moyens pour voyager entre les mondes. Je m’engouffra dans la gueule ténébreuse sans demander mon reste, au moment même où le Kototsu se ruait sur moi. Le capitaine n’avait qu’à se débrouiller avec ce qu’il avait lui-même déclenché.

Le Dangaï reliait toujours la Soul Society au monde humain, ce qui signifiait que les Shinigamis fugitifs apparaitraient au même endroit que lors de leur première venue sur Terre, soit l’immeuble en ruine.
Je me doutais bien qu’un capitaine se déferait sans peine de ce stupide train, néanmoins le temps qu’il y parvienne et qu’il retraverse le tunnel en sens inverse, j’avais quelques minutes devant moi pour achever ma mission. Je navigua à toute allure sur les vagues sombres du Garganta, engloutissant les kilomètres sur cette mer sombre et rassurante. En quelques secondes je fus à l’endroit qui correspondait au bâtiment désaffecté.
J’ouvris de nouveau un passage et atterris directement à l’intérieur de la bâtisse. Je faillis par ailleurs, déraper sur les restes du cadavre qui désormais ressemblait à une grosse flaque boueuse et parfaitement inutilisable. Et face à moi, les quatre Shinigamis et qui, même si je ne discernais leurs expressions, ne devaient pas être franchement ravis de me revoir. Je crus même entendre un cri d’angoisse. Tous les quatre se tenaient au milieu de la pièce, à un ou deux mètres de ma position. L’un d’eux chercha à faire demi tour pour retraverser le portail, mais je fus à ses cotés avant qu’il n’ait fait un pas. D’un mouvement ample du bras, je l’envoya valser contre le mur. Il y eut un bruit mou lorsque son corps s’écrasa contre la paroi et le malheureux perdit connaissance avant même d’avoir touché le sol. Les trois autres dégainèrent leur zampakuto et se ruèrent sur moi, davantage motivés par la colère que par la raison. La pointe de ma lame en faucha deux, leurs armes se brisèrent sous la violence du coup et ils s’affalèrent sans un cri.
Le dernier Shinigami debout tremblait, il avait assisté à la défaite rapide de ses compagnons et se retrouvait seul face à un adversaire qui le dépassait. Sa peur était perceptible et l’effroi étouffait son cœur. Néanmoins et malgré sa terreur, il me chargea. Avant qu’il ne puisse porter une attaque, je me saisis de son bras armé.
Ce gars était faible, et pourtant il avait continué ce combat qu’il savait sans doute perdu d’avance. J’admirais sincèrement son courage. Et en guise de preuve, je lui brisa les os du poignet d’un coup sec. Son zampakuto tinta sur le pavé froid, bientôt rejoint par son propriétaire. Je m’écarta du Shinigami gémissant et me tourna vers le portail. Le capitaine serait là dans quelques instants et je n’avais pas le temps de récupérer les échantillons sans la crainte qu’il ne surgisse dans mon dos.

Et malgré le carnage auquel je venais de me livrer, les négociations étaient toujours ouvertes. Aucun de ses subordonnés n’étaient morts pour l’instant, néanmoins cela viendrait à changer si le capitaine refusait d’entendre raison.
Quel fin diplomate je faisais.

C’était un plan dangereux, mais nécessaire. Si le capitaine et l’Arrancar s’était battu dans le Dangai, la fin des quatre Shinigami n’aurait souffert d’aucun doute. L’espace confiné entièrement constitué de particules spirituelles qu’est le tunnel aurait condensé et multiplié le reiatsu utilisé à l’intérieur, balayant les Shinigami. Kioshi savait qu’une pression spirituelle suffisante entourant l’Arrancar l’aurait empêché de créer un passage de Garganta, mais son adversaire avait agit trop vite et le train était encore trop loin pour commencer à rendre les particules spirituelles instables de part sa vitesse. Dans le monde réel, les chances de survie des compagnons de Kioshi était, au moins, statistiquement plus grande. L’homme au chapeau de paille prenait les décisions rapidement et efficacement, ce qui constituait aussi un point important dans l’étude de Kioshi.

Le vrai but derrière l’activation du Kototsu allait bientôt faire effet. Ainsi, l’utilisation du train, alors qu’ils étaient seulement censés rentrer d’une mission, allait alerté très rapidement le Seireitei. Kioshi avait un poids durant toute la rencontre et il devait le laisser à quelqu’un d’autre pour qu’il puisse se focaliser uniquement sur son adversaire.
L’arrogance des dernières paroles de l’Arrancar rassura Kioshi un instant. L’Arrancar aux yeux cachés n’avait apparemment pas vu l’autre dessein derrière ses actions. De plus, il n’avait pas instantanément utilisé son portail pour chasser les Shinigami, il avait préféré lancer des piques au jeune capitaine. Essayait-il, consciemment ou inconsciemment, de jouer avec le capitaine ? Suivant cette logique, se pourrait-il qui ne les tue pas directement ?

Au moment où l’Arrancar disparaissait dans son portail, Kioshi, n’ayant même pas un regard pour le kototsu, se retourna prestement et effectua un Shūnpo qui lui permit d’arriver à la porte en un clin d’œil. Il s’arrêta à un mètre de la sortie. Le capitaine mit sa main dans sa poche et en sortit trois petites boules. Il traversa la porte, libérant ainsi le Dangai pour d’éventuels renforts, et se retrouva devant l’Arrancar qui tenait dans sa main son Zanpakutō qui ne ressemblait en rien à la forme noble des sabres ancestraux. Il mémorisa à une vitesse que seule son cerveau surentrainé pouvait atteindre la position des Shinigami. Il lança sans perdre une fraction de seconde ses trois boules qui explosèrent devant l’Arrancar.

L’explosion n’avait rien de bien puissant, mais des trois boules, des millions de particules métalliques se libérèrent et se répandirent. Le matériau constituant les particules était spécial, il reflétait le reiatsu. Kioshi avait arrêté de scanner le reiatsu aux alentours, car les innombrables reflets déclenchés instantanément l’auraient sonné, tout comme le Pesquis puissant des Arrancar allait sonner son adversaire. Faisant obstruction du reste, Kioshi fit un Shūnpo vers la position, mémorisée au préalable, du premier Shinigami. L’homme au bras brisé était juste derrière l’Arrancar. Arrivé sur son compagnon, Kioshi lui saisit le bras. Il devait se concentrer, faire un Shūnpo dans le nuage était quasiment impossible, c’était seulement grâce à son entrainement sur sa propre invention qu’il le réussit. En un clin d’œil, il arriva sur le deuxième Shinigami qui avait été projeté et avait perdu connaissance. Le capitaine saisit, de son autre bras, l’homme inconscient et fit un grand Shūnpo, le plus loin qu’il pouvait avec le poids des deux Shinigami. Ils arrivèrent dans une autre bâtisse et sans prendre le temps de réfléchir, il sortit un drap de la sacoche du Shinigami au bras cassé, les couvrit et fit demi tour devant l’Arrancar.

5 secondes s’étaient écoulées depuis que les boules avaient été libérées. Le drap qu’il avait mit sur les deux Shinigami bloquait entièrement leurs reiatsu. Deux autres de ses compagnons étaient toujours là, mais il manquait de temps. Le nuage n’était pas prêt de se dissiper, mais la puissance de son adversaire allait lui permettre rapidement de reprendre ses esprits et de pouvoir sortir du nuage avec un Sonido, sans craindre d’arriver dans un mur à cause du brouillage des repères. Une des sacoches était tenue par la femme qu’il avait éloigné du combat et l’autre était maintenant sous le corps d’un des Shinigami au Zanpakutō brisé. Le capitaine de la XIIème division se mit devant les deux derniers Shinigami, il était prêt à intercepter toutes attaques aux corps à corps ou à distance.

« Quel est ton nom, Arrancar-san ou ,peut être, Espada-san ? »

Kioshi avait trouvé un adversaire puissant et avait espéré apprendre de la vision de cette guerre par les Arrancars ou du moins par un Arrancar. Etaient-ils tous vraiment comme certains Shinigami le prétendaient, dénués et sentiments et de sagesse ?

Ce type était malin c’est indéniable. Le coup du train dans le Dangaï, c’était déjà brillant, alors m’aveugler à l’aide de billes réfléchissantes, cela relevait du génie. Mon Pesquis remplaçait mon sens de la vue, perdre l’un revenait à perdre l’autre. Aussi lorsque la brume m’enveloppa, je compris ce qu’était la réelle cécité. J’ignore si le capitaine avait calculé la portée réelle de son action mais au demeurant, cela restait très bien joué. Rapidité et intelligence, un mélange redoutable durant un combat.
Bref, à cause de ces trois sphères étranges, j’étais complètement aveugle mais pas sans ressource. Au final, me priver de mes « yeux » n’était qu’un handicap relatif. Je pouvais entendre, sentir et goûter les mouvements du capitaine. Tous mes sens avaient été exacerbés durant ma transformation en Arrancar. Je perçus donc les déplacements qui s’opéraient autour de moi. Le Shinigami tâchait de mettre ses subordonnés à l’abri, pour leur éviter de mourir de ma main ou de quelque attaque maladroite. Ce gars là méritait bien son titre. Sa vitesse était largement supérieur à la mienne, il possédait très probablement une bonne maîtrise du Kido et se servait de son cerveau. De plus, il semblait avoir un certain sens de l’honneur, qualité très appréciable chez un Shinigami.

Oh bien sûr, on pourrait me taxer de lâche d’attaquer ainsi ses subalternes pour le faire chanter, néanmoins je concevais cela plus comme du pragmatisme exacerbé que de la réelle lâcheté. Même si je ne leur avais laissé aucune chance, au moins n’étaient-ils pas morts. C’est ce qui me différenciait de la plupart des barbares de l’Espada. J’avais un sens des valeurs, relatif aux yeux de mes adversaires certes, mais qui existait néanmoins si on prenait la peine de se pencher dessus. Mais ce n’était pas en ressassant ces idées que ma situation s’arrangerait. J’avais laissé le capitaine mettre à l’abri deux de ses alliés, mon chantage perdant ainsi une partie de son poids, et des troupes de la Soul Society ne tarderaient probablement pas à débarquer. Le temps me manquait et c’est avec un empressement certain que je bondis en dehors de la fumée aveuglante, retrouvant par la même occasion mon Pesquis. Le Shinigami se trouvait face à moi, le sabre levé, le corps crispé par l’attente, dans une attitude de défense. Même s’il m’avait doublé à deux reprises, les deux agonisants qui l'accompagnaient n’en restaient pas moins son principal handicap.

À ce moment là un dilemme s’imposa. Soit je tentais dans une dernière tentative de le convaincre de me remettre les échantillons, soit je lançais un Cero dans sa direction, sûr qu’il ne parviendrait pas à éviter l’attaque complètement. Mon cœur balançait entre mon ennui du combat et ma volonté de finir ma mission.
Le capitaine m’offrit une issue en m’adressant la parole. Visiblement, il voulait continuer de causer. Etait-ce parfaite sincérité de sa part ou cherchait-il simplement à gagner du temps ? Oh et après tout qu’avais-je à perdre ? Si l’arrivée d’autres Shinigami était bel et bien imminente, quelques secondes de plus ou du moins à papoter avec l’un d’eux ne pesait pas franchement lourd dans mon calcul. Par ailleurs il me serait toujours possible de ressusciter, de me glisser vers les échantillons restants et de m’enfuir avec via le Garganta. La première découverte de mes capacités laissait toujours mes ennemis complètement abasourdis et j’avais appris au fil des affrontements à me servir de cette surprise. D’un geste, je chassa mon chapeau de paille du crâne, dévoilant ainsi complètement mon visage :

- Espada-san m’ira très bien, capitaine. Bien qu’être réduit à mon simple rôle de combattant à quelque chose de dérangeant, j’ai d’autres qualités en dehors des batailles vous savez ? Mais qu’importe, je suis Absalon Elhinger, le Decima Espada, dis-je d’un ton empreint d’un certain amusement.

Bien entendu je mentais, mais ma voix n’avait aucune inflexion maladroite, et étant totalement maîtrisée, elle n’avait que les échos de la vérité. Rien n’aurait pu lui permettre de remettre en cause mes propos, encore moins mon visage, vide de toute expression. Cela avait également des avantages d’être dépourvu d’yeux, on ne savait pas quand vous mentiez. En bluffant de cette manière, j'espérais faire naitre en lui le doute sur sa propre force.

- Sinon, avant que n’en en arrivions à des mesures radicales, ne souhaiteriez vous pas réviser nos négociations ? Je suis certain que cette machine que vous avez activé fait office de système de sécurité et de ce fait, d’autres petits soldats risquent d’arriver en soutien. Néanmoins pensez vous tenir jusque là contre moi tout en protégeant vos camarades tombés à terre ? Si vous me remettez ces échantillons, je promets sur ma fierté de repartir sans rien demander de plus, conclus-je en posant la main sur le cœur et en m’inclinant légèrement.

Si cela ne témoignait pas assez de ma bonne foi, et bien nos épées ne tarderaient pas à se rencontrer.

Le soleil brillait. Les bruits de la ville s’étaient tus, seuls quelques cris d’enfant se faisaient entendre depuis un parc. Le milieu de l’après-midi avait emporté les adultes au travail et ramené les enfants à l’école. Tout semblait surréel, le temps était comme suspendu. Etaient-ce les dieux qui retenaient leur souffle ? Ils auraient eu surement mieux à faire, s’ils existaient, que de regarder ces deux êtres se battre pour un os. Chacun des deux voulait réussir sa mission, assouvir son désir.
Les pierres des maisons en ruine semblaient avoir été posées volontairement pour former un carnage ordonné. Les deux puissants esprits n’étaient pas touchés par le désordre ambiant. Invisibles, de puissants courants de reiatsu parcouraient la bâtisse, créant une tension presque palpable dans l’air calme de la ville. Le bleu sombre et profond du Shihakusho du Shinigami jurait avec la couleur de son Haori alors que le blanc immaculé de la tunique de l’Arrancar semblait rayonné devant le spectacle si rare, pour lui, du soleil. Cependant le chaos environnant commençait déjà à assiéger les protagonistes. Petite mais d’un rouge intense, une tâche de sang venait briser la perfection de la tunique de l’Arrancar. Quel Shinigami avait vu son sang projeté lors d’un des assauts ? La véritable question se trouvait autre part. Cette tâche si infime fut elle avait commencé à salir l’immensité blanche de la tunique. Ce sang ne provenait pas de la nourriture, celui des âmes mortes pour nourrir l’Arrancar disparaissait dans sa bouche. Mais ce sang, provenant d’une victime non nécessaire, l’avait tâché. Malgré le fait que son hideux Zanpakutō absorbait le sang de ses proies, il ne pouvait éviter les projections, sa tunique devenant de plus en plus souillée. Peu importe le temps que cela prendra, peu importe le nombre de victimes que cela nécessitera, un jour le blanc disparaitra et seul le sang perdurera. Ce jour-là, tout sentiment aura disparu et l’Arrancar redeviendra la bête qu’il à été, du moins c’est ce que le capitaine pensait.
les Arrancar aussi, tout comme les humains et les Shinigami, ne pouvaient rester intouchés par leurs actes. Etait-ce le prix à payer pour la conscience de son existence ?

Les attentes de Kioshi semblaient enfin être satisfaites. L’Arrancar, ou le Decima Espada comme il s’était présenté lui-même, avait fait transparaitre un mélange d’intelligence, d’honneur voir même d’humour. Se pourrait-il que la guerre finisse autrement ? pensa une fraction de seconde le capitaine, avant que sa conscience ne mette brutalement un arrêt à ses rêveries. L’esprit devant lui semblait présenter une détermination comparable à la sienne dans l’accomplissement de sa mission. Les dernières paroles d’Absalon amenaient une nouvelle dimension, plus ouverte, sur la rencontre. Le marché restait le même cependant : la vie des Shinigami contre les échantillons.
Il n’était que le Decima Espada. Son niveau de reiatsu était comparable à celui de Kioshi et le niveau des capitaines du Gotei 13 étant globalement le même, se pourrait-il vraiment que neuf autres Arrancar soient plus puissants qu’Absalon ? Kioshi élimina ces pensées de son esprit. Sans preuves, aucune théorie ne pouvait être validée, telle était la loi de la science. Peu importe qu’il soit Primera ou simple Arrancar, son niveau de reiatsu, Kioshi le connaissait depuis le début de la rencontre comme son ennemi connaissait le sien. Le pouvoir de ses chiffres était cependant très puissant, pensa Kioshi, la simple énonciation d’un chiffre pouvait faire basculer le combat, que ce soit par excès de peur ou de confiance.

« Tu n’as pas tué mes compagnons, Espada-san, pour cela je vais te dire pourquoi je ne peux pas te donner les échantillons et pourquoi je protégerai ces Shinigami. »

Kioshi marqua une courte pause.

« J’ai ma propre théorie sur l’échec. Fuir n’est pas forcement un déshonneur. Le sacrifice, ou le dernier carré, est le refuge des commandants incompétents. La mort pour un but, une mission, n’est que la solution des aveugles qui ne voient pas à long terme.
Il existe cependant des causes à grande échelle qui méritent de telles actions. Ce n’est pas le cas pour notre affaire, mon rôle de capitaine est de prévenir et de faire apprendre à mes subordonnés de leurs échecs. Alors qu’ils seraient surement prêt à se sacrifier pour une cause qui leur semble grande, je me dois de les protéger, leur mort ne servirait qu’un but à court terme, dit-il d’un ton neutre sans hâte aucune »

« Devrais-je te donner les échantillons pour le faire ? Non, la protection de leur honneur ne doit pas être une excuse à mon échec, si je n’arrive pas à garder les échantillons. J’ai donc deux buts, semble t-il, contradictoires. »

Alors que Kioshi parlait, il sentit la marque d’encre sur sa poitrine disparaitre.

« Pourrons-nous être capable de régler notre “problème” sans se battre ? Decima-san. »

Et bien.
En voilà un ennemi singulier. Fier, droit, juste et à l’écoute. La plupart des Shinigami que j’avais eu à affronter, s’en étaient pris à moi violemment, m’attaquant à vue et ne me voyant que comme un monstre hideux à éradiquer. Cet homme était donc l’un des premiers à m’accorder la parole. Il me percevait comme autre chose qu’une bête avide de sang. C’était troublant.
Qu’un Shinigami puisse témoigner d’une telle ouverture d’esprit, c’était assez surprenant. J’avais semble t’il trouvé un adversaire avec lequel j’avais plus de points communs que l’ensemble des Arrancars. Quelle bizarre idée que de partager les mêmes idéaux avec son ennemi naturel alors même qu’on se sentait étranger parmi les siens. Je me retrouvais dans les valeurs de ce capitaine et en dix sept ans, je n’avais jamais eu autant de proximité avec qui que ce soit. Toutefois nos intérêts divergeaient et là était au final, le cœur du conflit. Je rechignais à croiser le fer avec cet homme, j’aurais eu l’impression de frapper un frère et cette pensée me déconcerta, néanmoins ma mission importait plus que mes propres désirs. Et à priori, le capitaine, encore une fois, semblait traverser par un dilemme semblable. Nous ne voulions pas nous battre, ce pourquoi nous discutions depuis cinq bonnes minutes. Mais je crois que chacun de nous savait au fond de lui, que tout ceci se réglerait par l’épée. Du moins c’est ce que je pensais. Aucun de nous ne voulait concéder à l’autre ce qu’il attendait et quand les mots ne suffisaient plus, le sabre désignait le vainqueur.

Mais ce n’était pas encore le moment d’en venir à cette solution extrême. La parole n’était pas encore complètement épuisée et j’espérais secrètement pouvoir partir avec les échantillons sans verser davantage de sang. Aussi il m’exposa sa conception de l’échec, de l’honneur et l’importance à ses yeux, de l’apprentissage de ses subordonnés. Plus il parlait, plus mon respect pour lui grandissait. Loin de tous ces guerriers, il possédait une subtilité d’esprit ô combien rafraichissante. Puis il réitéra sa volonté d’éviter le combat. Nous étions clairement sur la même longueur d’ondes mais également dans une impasse :

« Votre vision de la hiérarchie est admirable, et je le dis sincèrement. Ceux sous vos ordres sont moins des soldats que des élèves. Vous leur enseignez vos perceptions des choses à la manière d’un professeur bienveillant, ma voix était calme, posée et exprimait une certaine sympathie. Que vous ayez de l’inquiétude pour le sort de vos Shinigami fait de vous un bon capitaine.
Je ne souhaite pas avoir à vous affronter, et vous non plus. Vous désirez garder ces fragments d’Arrancar, et moi je ne peux vous laisser partir avec. Avez-vous une autre solution à proposer que le combat capitaine ? La défaite de l’un entraine la victoire de l’autre, une idée vous vient-elle pour que nous ayons tous les deux à y gagner ? »

Mais je devais rester lucide. Le temps jouait en ma défaveur et cette situation commençait un peu trop à s’éterniser, et ce malgré le plaisir que je prenais à parler avec mon ennemi. Je redressa mon Zampakuto et plutôt que de le tendre vers le capitaine dans une attitude menaçante, j’opéra un mouvement qui avait de quoi surprendre. La pointe de mon sabre était dirigée vers mon cœur, prête à le transpercer à la moindre pression de ma part. Non je ne comptais pas me suicider, non je n’invitais pas mon adversaire à me porter le coup final parce que je me pensais déjà vaincu.
Il en allait autrement, je me préparais à mourir pour mieux renaître et me lier de nouveau avec ma nature profonde.

« Capitaine, je ne saurais me brider plus longtemps. La Soul Society ne va sans doute pas tarder et je ne peux me permettre d’être retenu ici plus longtemps. Réfléchissez vite je vous en prie ou il nous faudra nous battre bien plus sérieusement. »

L’esprit alerte, prêt à anticiper toute réaction mal placée de sa part, je lui laissa quelques secondes pour réunir ses esprits.
Une fleur sanglante germa sur mon torse, prête à s’épanouir davantage si la réponse du Shinigami ne me convenait pas.

Il avait senti la marque d’encre sur sa poitrine disparaitre…
La limite avait été levée … Katana-chan? Les pensées du capitaine se tournèrent vers son lieutenant. Il était fort probable qu’elle soit responsable de cette décision, la mission était dès le début classée comme dangereuse et la probabilité de trouver en face d’eux un adversaire de taille était loin d’être négligeable. Le retard, l’activation du Kototsu et la prudence naturelle du lieutenant Inochi avaient convergé pour arriver à ce résultat. Qu’avait-elle bien pu dire au commandant capitaine pour qu’il l’autorise à lever la limite pour Kioshi ? Peu importe, le timing risque fortement de se trouver parfait, même si tout espoir de ne pas avoir à se battre n’avait pas encore disparu.
Moins d’une décennie, cela représentait une période non négligeable pour une vie humaine, mais une très courte période pour cette vie. Kioshi n’avait pas suivi le chemin habituel de la hiérarchie, il n’était pas passé par les sièges et le poste de lieutenant. Très habitué aux équipes de l’Unité Mobile de Recherche et de Récupération de Données - pour en avoir fait parti et les avoir commandé pendant une longue période - il l’était beaucoup moins pour les autres. La soudaine promotion de son prédécesseur et sa non moins rapide nomination en tant que capitaine n’avait pas facilité la tâche de Kioshi. Comment se faire à la fois respecter si rapidement par des centaines de personnes ? Il avait fallu gagner le respect de la plus grande majorité possible.

Il existait tellement de façons différentes pour atteindre le respect qu’il n’était pas si facile de choisir lesquels utiliser, et surtout en quelle quantité. Devait-on privilégier une attitude aimable visant à faire naître des amitiés ? Les gens ordinaires respectent leurs amis, seulement qui pouvait prétendre être réellement ami avec tout le monde ? On ne pouvait reposer un quelconque espoir de respect sur de telles chimères. De plus, cette forme de respect était loin d’être optimale pour le rôle que le Gotei lui avait demandé de jouer.
La peur, et même la crainte, sont aussi d’autres facteurs pouvant amener au respect. Il était plutôt simple, au vue du système établi dans le Seireitei, d’employer de telles techniques chez les shinigami. Les niveaux de reiatsu pouvaient être très différents entre deux personnes, ce qui facilite la domination des plus faibles. Un tel respect était aussi à utiliser avec parcimonie et grand contrôle.
Pour le jeune capitaine, il restait deux autres grandes solutions pour imposer le respect, le respect par le travail, la reconnaissance par ses actes et le respect qui naissait d’une relation élèves-professeur. Mixant, dans un mélange complexe et précis, toutes ses solutions, Kioshi tentait depuis son arrivée à la tête de la 12ème division d’établir un niveau de confiance et de respect proche de celui instauré par son lieutenant au temps de son capitanat.

L'Espada avait réagi et répondu aux dires du capitaine assez rapidement. Sa réaction avait surpris Kioshi, entre indécision et respect. Cette rencontre non prévue avait et continuait de montrer un visage inattendu des ennemis du Seireitei. Le capitaine savait que les caractères humains qu’avaient récupérés les Arrancar pouvaient se révéler proches de ceux des Shinigami, mais la confrontation brutale avec cette réalité constituait tout de même une surprise. Quel prix était-il prêt à payer pour finir sa mission ? Kioshi avait jeté un rapide coup d’œil sur le sac qui était toujours sous un des shinigami à terre. Tout le poids du dos de ce dernier était posé sur le sac. Le capitaine se demanda s’il ne continuait pas à se battre pour un os pourri. Toutes les données et les statistiques se concentraient dans son cerveau dans un semblant de chaos parfaitement organisé.

Encore en pleine pensée, les sens de Kioshi se concentrèrent de nouveau sur Absalon. Il avait amorcé un mouvement, mais quelque chose clochait. La tension dans les muscles des bras et les pliures sur les vêtements de l’Arrancar semblaient tous s’accorder à dire que le mouvement n’allait pas vers le capitaine, mais vers lui-même. Qu’attendait-il ? L’expression sur son visage était sans équivoque, il ne s’agissait d’aucun mouvement de soumission mais bien d’un mouvement déterminé pour débloquer la situation.

« Capitaine, je ne saurai me brider plus longtemps. La Soul Society ne va sans doute pas tarder et je ne peux me permettre d’être retenu ici plus longtemps. Réfléchissez vite je vous en prie, ou il nous faudra nous battre bien plus sérieusement. »

Alors que son propre sang se répandait sur sa tunique, l’ancienne tâche fut recouverte, effacée. Recouvrir la souillure provoquée par les innocentes victimes avec son propre sang était apparemment un technique que possédait cet ennemi. Tout allait disparaitre et renaitre à nouveau, le temps n’était plus aux paroles.

« Je vois »

Pourquoi devons-nous toujours en arriver à de telles extrémités ? pensa Kioshi. Malgré son respect pour Absalon et son désir de ne pas se battre, il n’y avait, de toute évidence, presque pas d’autres choix. Au vue de la puissance de son adversaire, il n’était pas le moment pour Kioshi de se soucier de toute notion désuète de règles de combat. Alors qu’il se préparait à effectuer un shūnpo offensif –pendant que son adversaire était toujours en train de se mutiler avec son arme – le capitaine pensa à une autre solution. Les chances pour que les échantillons aient survécu à la chute du shinigami était trop faible pour jouer dessus. Kioshi prit le sac et le lança devant l’Arrancar.

« Peut-être que ta mission est déjà fini depuis un moment, Espada-san.»

Je ne rêve pas.
Je ne rêve plus depuis des siècles. Je dors bien sûr mais le sommeil est comparable au néant. Je flotte dans le vide, mon esprit au repos, et il ne se passe rien. Pas d’image, pas de son, ni goût ni saveur imaginaire, juste une profonde absence. Pendant des centaines d’années, il y a eu la faim, indissociable de mon être, qui me taraudait sans cesse et qui n’était jamais rassasiée. Mon contentement, je le trouvais dans la mort de l’autre. J’étais une bête et cette conscience du monstrueux ne me quittait jamais vraiment. Je ne pouvais, et ne peux encore, me complaire de ma propre nature. Je ne suis pas fier de ce que je suis, quoi que j’en dise, j’aurais voulu être autre chose, voir ne pas être tout simplement.
De plus, même aujourd’hui, la faim n’a pas disparu. J’ai cru naïvement qu’en devenant Arrancar, je ne la ressentirai plus. Nagare ne m’a que partiellement sauvé. Il ne m’a offert qu’une alternative à cet appétit. Le tabac. Mes frères et sœurs pensent que si je me drogue avec cette horreur, c’est par pur plaisir. C’est amusant quelque part, cette innocence à mon sujet, cette représentation erronée de ma lubie.
Ce qu’ils ignorent, c’est que sans cela, je redeviendrai une bête féroce sujette à la famine. Je ne veux pas perdre de nouveau ma raison si durement acquise, je ne veux pas être plus monstrueux que je ne le suis déjà, je ne veux pas tuer, je ne veux pas faire souffrir, je veux juste prétendre pouvoir reconquérir cette humanité autrefois volée. Est-ce mal que de vouloir le meilleur pour soi ? J’admets m’être un peu trop attaché à mon passé, et n’avoir jamais fait l’effort de l’oublier. C’est ce qui me distingue de mes semblables sans doute, cet attachement à mon ancienne vie. Je n’ai jamais entendu l’un d’entre eux manifester le désir de récupérer toutes ces choses qu’ils ont autrefois perdu. La puissance, la loi du plus fort, voilà tout ce qui les intéressent aujourd’hui.
J’ai besoin d’un compagnon d’existence. Une personne qui marcherait à mes cotés durant quelques temps, jusqu’à ce que notre voyage commun se termine.

Et le seul qui se rapprochait jusqu’à présent de ce désir n’était autre que ce capitaine face à moi. C’était dommage toutefois que nos deux natures si différentes nous obligent à nous affronter. Belle ironie. Mais même dans la bataille, je pouvais tirer quelque chose de lui. Je n’avais pas besoin d’un ami, juste de quelqu’un dans lequel je pouvais trouver mon inspiration. Qu’il soit ou non un allié, à vrai dire je ne m’en souciais pas. La dualité était tout aussi enrichissante que l’amitié.
Mais qu’importe, je m’interrogerai sur cet homme une fois de retour à Las Noches. Ma mission ne durait que depuis trop longtemps, et ce qui ne devait être qu’un simple nettoyage, avait abouti à une confrontation avec un capitaine. Mais mes pensées m’emmenaient trop loin de l’action, je décida donc de me concentrer sur celle-ci pour ne pas dériver plus longtemps.
Tenant toujours aussi fermement mon Zampakuto braqué directement sur mon cœur, je ne laissa rien paraître de mon émotion intérieure. La pointe s’enfonçait peu à peu dans ma chair, et bien que la sensation était particulièrement douloureuse, elle ne me déconcerta pas plus que cela. J’étais tellement habitué à ce petit rituel qu’il n’éveillait plus aucun intérêt, il s’agissait juste d’une étape à franchir vers mon éveil complet.
Vigilant, j’étudiais chaque geste spirituel de mon adversaire. Du reiatsu commençait à se former sous ses pieds, signe qu’il se préparait à utiliser un mouvement éclair. Dommage, et moi qui pensais avoir été suffisamment convaincant. Au moment où je m’apprêtais à prononcer mon incantation, j’entendis le bruit caractéristique d’un corps solide se déplaçant dans l’air. J’intercepta l’objet qui venait vers moi, légèrement pris au dépourvu. Je le palpa quelques instants et constata qu’il s’agissait d’une sacoche.
Ma surprise fut d’autant plus grandissante lorsque via mon Pesquis, je remarqua la présence du reiatsu de l’Arrancar inconnu à l’intérieur. Le capitaine venait de m’envoyer les échantillons que je réclamais depuis le début.

« Et bien…J’admets être plus que surpris par ce brutal revirement. Vous vous apprêtiez à passer à l’attaque n’est-ce pas ? Et juste après, vous avez changé d’avis. Pourquoi ? »

Tant de questions alors même que le temps continuait de passer. Mais qui sait lorsque je pourrai le croiser de nouveau ? Soudain mon attention fut attirée par l’éclat particulier des échantillons dans la sacoche. Ils luisaient bizarrement, d’une teinte ocre et répugnante. Et avant même que je compris quoi que ce soit, la lumière se dissipa. Et bien, le fameux acide de Karaleth laissait encore à désirer mais au moins avait-il fini son œuvre. Sans rapporter ma découverte au capitaine, je me tourna de nouveau vers lui :

« J’ai souvenir d’une deuxième sacoche Capitaine. Lors de notre rencontre dans le Dankaï, deux de vos Shinigami transportaient avec eux les morceaux de mon « confrère ». L’un d’eux est derrière vous, l’autre vous l’avez mis à l’abri et je ne vois plus son reiatsu. Une technique de dissimulation je présume ou quelque chose d’approchant.
Je souhaiterais vous demander une dernière chose. Pourriez vous m’amener ces derniers échantillons ? Je ne peux pas partir tout en sachant qu’il vous en reste. Si vous acceptez, je m’engage à ne pas porter la main sur vos subordonnés durant votre absence. Et en signe de bonne foi, je rengaina mon arme. Finissons en s’il vous plaît, et séparons nous sans que davantage de sang soit versé.»

Puis une envie soudaine naquit, éloignée de toute raison et de toute logique. Cela faisait si longtemps que je ne m’étais pas autorisé un écart si brutal dans ma manière d’être habituelle. Presque timidement, je lui souris.

« Et bien…J’admets être plus que surpris par ce brutal revirement. Vous vous apprêtiez à passer à l’attaque n’est-ce pas ? Et juste après, vous avez changé d’avis. Pourquoi ? »

Pourquoi avait-il changé d’avis ? Toutes statistiques faites et analysées, c’était la meilleure des solutions. Risquer la vie de deux Shinigami, qui en plus d’avoir une valeur sentimentale sont d’autant d’atouts aujourd’hui que dans le futur, pour des échantillons qui ont au moins deux chances sur trois d’être brisés, voilà un choix que la logique et la raison peuvent faire rapidement. Etait-ce réellement la seule raison ? L’hésitation au combat est une chose à laquelle Kioshi est très peu habitué, son esprit analyse encore et toujours la meilleure solution à court ou à long terme suivant la situation, seulement cette fois il avait hésité. Cet Espada avait ébranlé la pensée parfaitement structurée du capitaine, Absalon se rapprochait bien plus des Shinigami que Kioshi s’y attendait.
L’éternel combat entre les Shinigami et les Hollow est basé sur une loi fixée en des temps immémoriaux : les hollow mangent les âmes et les Shinigami les amènent dans leur monde. Sont-ils finalement si différents ? Qui a fixé le rôle des Shinigami ? La morale les a conduits à tenter de sauver les âmes humaines pour les conduire à la Soul Society, mais quand était-il de la vision des Hollow ? Jusqu'à récemment, la question ne se posait pas, étant donné que les âmes du Hueco Mundo n’étaient que des esprits errants sans autre but ni pensée que de se nourrir. Désormais, les Arrancar étaient apparus à la face des Shinigami de plus en plus souvent et nombreux, quelles sont leurs raisons d’être ? Leur apparition pourrait enlever toute légitimité au combat des Shinigami, les humains pourraient préférer voir leurs âmes fusionner pour incarner une entité puissante plutôt qu’errer dans le Rukongai. Le choix ne leur incombait pas.
Depuis combien d’années Kioshi n’avait-il pas libéré d’âmes ? La structure de la Soul Society était faite pour maximiser les interventions pour sauver les humains morts, le capitaine faisait maintenant partit de la couche qui devait s’occuper du combat contre les hollow pour améliorer et sécuriser le travail des autres Shinigami. Alors que les âmes du Hueco Mundo deviennent chaque jour plus fortes et que les Shinigami sont de plus en plus mobilisés pour la guerre, les Dieux de la Morts ne seraient-ils pas en train de ne devenir qu’un groupe militaire délaissant les humains ?
Il n’existe pas, pour Kioshi, de réponse « vraie » à ces questions, chacun doit travailler à trouver la réponse la plus raisonnable en prenant en compte un maximum de facteurs. Tout capitaine se doit à un moment où un autre de se poser ces questions et d’y répondre pour légitimer, ne serait-ce que pour lui, son combat. Mais pourquoi maintenant en plein combat ? se demanda le Shinigami. L’aura qu’émettait l’Espada, volontairement ou pas, avait fait éclore précocement ce questionnement que les années d’intenses recherches et le travail pour connaitre au mieux sa division avait occulté.

Le Decima se mit à nouveau à parler. Kioshi écouta avec attention.

Ne tournant que la tête, les yeux du capitaine s’arrêtèrent sur les deux Shinigami blessés. L’un deux avait repris connaissance et le regardait avec un regard d’une intensité impressionnante comme s’il voulait le supplier de partir avec les échantillons et de le laisser, ou peut être était-ce l’inverse … Kioshi posa à nouveau son regard sur Absalon.

« Ils sont ma faiblesse … Mais aussi ma plus grande force, Elhinger-dono. La raison pour laquelle il est très probable que vous ne réussissiez pas votre mission dans sa totalité n’est en aucun cas vos compétences ou même votre vivacité d’esprit, c’est que vous êtes seul. »

La solitude, Kioshi l’avait connu à son arrivée dans le Seireitei. Peu de gens souhaitaient parler à ce garçon différent physiquement, culturellement et mentalement des autres. Lorsque l’on est le plus fort du groupe, les autres deviennent un handicap ; ceux à qui on peut s’en prendre pour vous atteindre. A partir de là, les gens peuvent décider de se séparer des autres de devenir encore plus fort sans que l’on puisse utiliser ses amis comme moyen de pression. Mais ceux là n’avaient pas compris la véritable puissance qui se cachait derrière un groupe.

« J’ai fait ma part de concession en abandonnant une partie des échantillons, je ne peut aller plus loin. »

Kioshi fit tourner son poignet droit pour libérer l’air entre les os, tout en le tenant de la main droite.

E

nviron dix minutes après l'activation du bracelet du Capitaine, Inochi sortit du Dangai pour se retrouver dans le Monde Réel. La première chose qu'elle fit une fois sur place fut de tenter de repérer le Reiatsu de la petite équipe de l'Unité Mobile de Recherche et de Récupération de Données. Son cœur fit un bond quand elle ne sentit que trois Reiatsu. Ces énergies appartenaient à son Capitaine et à deux de ses subordonnés. Qu'était-il arrivé aux deux autres subordonnés ? Avaient-ils été annihilés par l'ennemi ? Avaient-ils péri au combat ? Elle préférait ne pas y penser. Pour en avoir le cœur net, elle passa sa seule main à son oreille, pour activer l'oreillette qu'elle portait. Cette oreillette était un outil pratique qui servait à Inochi de garder le contact avec les quartiers de la Douzième Division, connexion utile pour rassembler des informations tout en étant sur le terrain.

-"Ici Code Rose, combien y a t-il de signaux sur vos écrans ? Je ne ressens que trois de nos camarades !"

Code:

-"Nous recevons cinq signes vitaux, Lieutenant. Vous devriez aussi consulter le radar que l'on vous a confié avant votre départ. Essayez de vous calmer un peu, s'il vous plait, la vie de nos collègues est peut-être en jeu !"

É

videmment, Inochi n'avait rien à répondre face à cette phrase. Elle était si inquiète et si pressé qu'elle avait oublié qu'elle avait elle-même pensé à toutes les possibilités et s'était préparée en conséquence. Cela montrait aussi à quel point ses subordonnés la connaissait, à quel point ils lui faisaient confiance. Sans perdre une seconde de plus, elle passa sa main sur son obi - ceinture - pour activer le bouton d'une petite machine qu'elle avait attaché là. C'était un Déflecteur de Reiatsu, une sorte de générateur de champ magnétique qui dissimulait le Reiatsu du porteur. Encore une invention tordue mais efficace du Capitaine Eldric. Elle sortit ensuite de son kimono un petit radar circulaire, organisé en longitude et latitude. Comme ils lui avaient indiqué, il y avait bien cinq signaux sur le radar. Trois signaux qui étaient ensembles, et deux autres beaucoup plus éloignés, il s'agissait des deux seuls Reiatsu qu'elle ne ressentait pas. Le regard porté vers leur direction, Inochi savait quoi faire. Si elle ne ressentait pas leur Reiatsu, mais que leurs bracelets émettaient des signaux, cela voulait dire qu'ils étaient tout simplement toujours en vie. Plus le temps de tergiverser, il fallait agir. À l'aide de quelques Shunpō, elle se déplaça vers eux. La seule raison pour laquelle elle ne ressentait pas ne pouvait être autre que le fait que l'on ait caché leur présence à l'ennemi. Une douloureuse pensée traversa l'esprit du Lieutenant de la Douzième Division. "Lors de leur expédition, l'ennemi leur tomba dessus comme un éclair, blessant gravement deux d'entre eux, obligeant le Capitaine à faire tout son possible pour l'éloigner et cacher leur présence par la même occasion pour les sauver." Dans ce cas, dans quel état elle les retrouverait ? Elle en frémissait rien que d'y penser.

E

n l'espace de deux minutes, elle arriva près de l'endroit où devaient se trouver les dissimulés. C'était un bâtiment comme un autre. Si proches d'eux, elle put ressentir à ce moment-là l'immense Reiatsu de l'ennemi un Reiatsu bien plus grand que celui de l'Arrancar qu'elle avait combattu, Kakita Karaleth. Comment une telle puissance pouvait exister ? L'Espada était loin d'être à prendre à la légère, enfin, elle supposait qu'il ou elle en faisait parti, car son ancien adversaire le clamait également. Mais bon, ce n'était pas le moment de penser à tout ça, il fallait sauver ses subordonnés. Elle entra dans la bâtisse, rangea son radar dans son kimono, avant d'en ressortir une paire de lunettes. La panoplie de recherche et de sureté du Capitaine Eldric était assez complète, comme s'il avait été plus paranoïaque qu'elle. Elle les posa sur son nez, avant de scruter les environs. Ces lunettes pouvaient afficher toutes les particules spirituelles dans un rayon sphérique de vingt mètres en faisant abstraction des objets réels. Ce n'était pratique que pour repérer des choses dissimulées dans le monde réel, car se déplacer avec relèverait du miracle ici à cause des obstacles, mais totalement impossible à la Soul Society. Ça y est ! Elle les avait trouvés ! Ils gisaient tout en haut du bâtiment. Elle rangea les lunettes et se pressa de sortir du bâtiment pour s'élever plus vite par les airs, afin de se rendre au dernier étage. Une fois arrivée, elle s'accroupit et ressorti les lunettes de détection pour être sûre de ses estimations. Elle avait vu juste, ils étaient juste en face d'eux. Après avoir replacé ses lunettes dans son kimono à nouveau, elle leva légèrement le drap, pour voir l'état dans lequel étaient ses subordonnés. L'un d'eux était inconscient, l'autre semblait ne pas être blessé. Il chuchota à son Lieutenant.

-"Lieutenant Katana...Je savais que c'était vous au moment où les bracelets ont été activés...Mon poignet est cassé, mais on a réussi à obtenir des échantillons, tenez."

, annonça t-il en lui tendant la sacoche,

"Prenez-les et partez d'ici..."

-"Comme si j'allais vous laisser derrière, idiot !... À mon signal, lèves-toi et embarque Gorokishi avec toi par la porte que je vais ouvrir."

E

lle ne prit pas la sacoche, mais se retourna à la place. Bien, c'était cette partir la plus délicate du plan. Elle invoqua la porte de la Soul Society, ce qui annihila son déflecteur, car il ne pouvait dissimuler autant de Reiatsu. Deux papillons de l'Enfer sortirent, et ce fut à moment-là qu'elle lui cria un "Maintenant !" qui fit partir son subordonné au quart de tour. Ainsi, ils venaient de rentrer dans le Dangai, la porte se refermant derrière eux. Inochi espérait tout de même que son subordonné arriverait à transporter son camarade jusqu'au bout du tunnel, car il y avait sans doute déjà l'équipe médicale qui les attendait, si les membres de la Douzième Division avaient exécuté comme il faut ses ordres avant qu'elle ne parte. Bien, il restait maintenant deux subordonnés à sauver, mais la tâche allait s'avérer plus difficile, maintenant que le déflecteur était devenu hors d'usage, et que l'ennemi avait sans doute déjà repéré sa présence. Sans tarder, elle se rendit vers le champ de bataille, où son seul œil ne put que constater la gravité de la situation. Les deux subordonnés près du Capitaine étaient au sol, avec énormément de sang qui s'échappaient de leur corps. Inochi serra les dents, une veille faisant son apparition sur son front, alors qu'elle avait posé son regard sur l'Arrancar. Une rage violente avait empli son esprit, mais elle avait encore assez de lucidité pour ne pas foncer dans le tas. Elle se contenta de rester là, sans faire le moindre geste brusque, à une bonne dizaine de mètres derrière son Capitaine.

-"Capitaine, désolée pour le retard. Gorokishi et Kojiya sont saufs, ils sont probablement déjà arrivés à la Soul Society...."

S

a colère l'empêcha de continuer sa phrase, son œil ne pouvait s'empêcher de fixer celui qui avait probablement infligé toutes ces blessures à quatre de ses subordonnés. Cependant, le Capitaine et l'Arrancar ne semblaient pas portés de traces d'un quelconque combat, mais apparemment, l'Arrancar lui allait bientôt y arriver.

Jusqu’à présent je n’avais pas été très honnête.
C’est un fait. J’avais menacé sans hésiter de simples Shinigami afin de faire plier leur capitaine, je les avais ensuite blessés et avant de continuer mon chantage. Certes, mes méthodes étaient au regard de la morale condamnables et je ne tirerai de cette mission aucune fierté, dussé-je la remplir totalement. Et de toute façon, au rythme où évoluait la situation, je ne parviendrai sans doute pas à remplir tous mes objectifs. Mon adversaire avait jusqu’à présent fait preuve d’une grande diplomatie, et sans doute lassé de ne pas avoir eu de contrepartie à ses concessions, attendait très certainement de ma part quelque effort qui pourrait équilibrer notre marché. Sur le principe, cela me paraissait normal, il avait le droit d’attendre quelque chose de moi puisqu’il m’avait céder une partie des échantillons. Mais dans les faits, il était tout de même en position de faiblesse, du fait de la présence des blessés, et moi j’étais déterminé à achever ce pourquoi j’étais venu. Ce fut donc presque avec tristesse que je saisis une nouvelle fois le pommeau de mon Zampakuto, prêt à dégainer et à devenir réellement sérieux.
Toutefois une donnée inconnue s’était glissée dans mes projets. Un éclat vivace m’interpella sur ma droite, et c’est à travers les murs et la distance qui me séparait de la lumière, que je vis un second portail s’ouvrir. La seconde suivante une personne possédant un reiatsu des plus convenables pénétra dans le monde humain. Chose étrange toutefois, elle disparu peu après et je la perdis de vue durant de longues minutes. Avec attention je scruta les environs à sa recherche, tout en demeurant attentif aux mouvements du capitaine qui n’avait toujours pas bougé. Lui restait la principale menace et une seconde d’inattention pouvait signer ma perte.
Poursuivant mon analyse, je vis de nouveau le reiatsu inconnu un peu plus loin de ma position actuelle. À priori il possédait un matériel qui lui permettait de se dissimuler et ainsi échapper à ma vision. C’était davantage gênant que dangereux. Toutefois lorsque deux autres sources de reiatsu apparurent à ses cotés, je fus tout de même impressionné par l’efficacité du gadget. Les scientifiques Shinigami savaient fabriquer des choses prodigieuses c’est incontestable. Un autre portail s’ouvrit la seconde qui suivit, afin de faire évacuer les blessés très certainement. Avant que ces derniers disparurent dans le Dankaï, j’eus tout de même le temps de voir nettement l’énergie spirituelle enfermée dans les flacons qu’ils transportaient . Et visiblement celle-ci était soumise au même phénomène auquel j’avais assisté plus tôt, elle se désagrégeait. Je ne me l’expliquais pas mais au fond ça m’arrangeait si le reiatsu de l’Arrancar n’était plus exploitable.

Je cessa d’observer la scène qui se jouait plus loin et reporta toute mon attention sur mon interlocuteur. À priori je n’avais plus besoin de me battre, lui ne le savait sans doute pas que la bataille était déjà finie et il était dans l’attente de ma réaction. Je resta de marbre, ne laissant rien transparaître pas même lorsqu’un autre Shinigami nous rejoignit. Ou plutôt une Shinigami, les accentuations de sa voix ne laissaient aucun doute quant à son sexe. Je percevais dans celles-ci la colère et la fureur, ponctuées par un zeste de rancœur à mon égard. Je ne le voyais pas mais j’étais sûr que son regard était fixé sur moi, me menaçant sans que je le sache, de morts terribles et d’éternelles damnations.
Deux contre un, ce n’était pas franchement équitable mais comme je n’avais plus besoin de combattre, cela n’avait plus d’importance. C’est presque avec soulagement que je relâcha la pression autour de la gaine de mon arme. Toute la tension que mon corps avait accumulé disparut. Le combat ne se ferait pas et rien ne pourrait m’empêcher de partir avec les échantillons.

« Bien, vous avez raison capitaine, j’en ai peut-être trop demandé et vos prérogatives vous empêchent d’aller plus loin. Sincèrement, cela me convient, je ne vois pas l’utilité de continuer à épuiser votre patience. À dire vrai, je suis plus que fatigué de tout ceci. »

Un Garganta s’ouvrit brutalement à coté de moi. Je l’avais invoqué à peine consciemment et nonchalamment je balança la sacoche dans la bouche de ténèbres. Le sac errerait quelques minutes dans le Garganta avant de se désagréger sous la pression des flux d’énergie.

« Ce fut enrichissant comme rencontre capitaine. Vous connaissez mon nom mais moi j’ignore le votre. Je n’en ai pas besoin de toute façon, chaque entité spirituelle est unique et je vous reconnaitrai sans mal. Au plaisir ! »

D’un bond je m’engouffra dans la gueule béante et disparu dans sa réconfortante obscurité.

L’air ramenait l’empreinte du reiatsu libéré lors de l’apparition du portail. Le doux parfum des particules spirituelles laissées par le Shinigami qui venait de passer la porte ne laissait que peu de doute sur son identité. Elle avait camouflée son reiatsu, en tout cas assez pour empêcher l’Espada de suivre ses mouvements et de l’analyser complètement. Le temps jouait contre eux, les échantillons se dégradaient lentement, mais si cette rencontre continuait de s’étendre, ils risqueraient d’être totalement inutilisables. Le capitaine ne lâchait pas des yeux l’homme en blanc qui lui faisait face, analysant ses moindres mouvements et réactions alors que l’Arrancar sentait et essayait de suivre les mouvements d’Inochi. Après tout, la véritable raison de la présence de Kioshi était l’espérance de tomber sur un Espada. Il aurait été bien plus simple et plus logique d’envoyer une équipe de l’Unité Mobile de Recherche et de Récupération de Données ou même son lieutenant, mais dans l’éventualité d’une rencontre, Kioshi voulait être présent pour pouvoir analyser par lui-même pour cet adversaire.

L’analyse du Decima Espada, cet Absalon Elhinger, était une expérience que Kioshi n’aurait surtout pas aimé manquer, elle avait en effet mis en lumière un caractère et une personnalité loin de tout stéréotype renvoyé à la Soul Society. Le capitaine savait pertinemment que les stéréotypes étaient la plupart du temps loin de toutes vérités individuelles, à travers cette rencontre il avait était confronté à une personne proche de ses valeurs, qui pourrait, dans d’autres circonstances, devenir un ami. Une amitié entre deux ennemis, ceci n’était pas si anormal, mais émettre une telle éventualité en parlant d’un être sensé être né d’un monstre empli d’une faim insatiable et incapable d’avoir des sensations évoluées devenait alors moins logique. Des sensations évoluées ? La peur, le désir, l’amour, la haine … n’étaient-elles pas les mêmes sensations qui gouvernaient chaque être ? Ne nous voilions-nous pas la face en pensant que nous étions capables d’émotions plus évoluées ? Existe t-il une réelle différence entre un humain qui écrit pour satisfaire son désir et un animal qui cherche une proie pour satisfaire lui aussi son désir ? Serait-il possible que les Shinigami et les Arrancars ne soient en fait différents que dans leurs buts ? L’un de se nourrir et l’autre d’accomplir une mission –« protéger » les âmes-?

Les réflexions du capitaine furent interrompues par l’arrivée soudaine de son lieutenant. Ses yeux trahissaient la colère de son corps et sa maitrise de son reiatsu cachée. Cette colère renfermait une certaine beauté, pensa avec amusement le capitaine. Absalon n’avait toujours pas bougé, main sur la garde de son épée.

-"Capitaine, désolée pour le retard. Gorokishi et Kojiya sont saufs, ils sont probablement déjà arrivés à la Soul Society...."

Le ton de sa voix ne laissait persister aucun doute sur sa haine envers celui qui avait blessé ses subordonnés. Pendant un cours instant, Kioshi avait eu peur qu’elle n’entame un geste irréfléchi, mais rapidement sa confiance reprit le dessus. Katana était une Shinigami bien plus que capable et compétente, mais cet ennemi était lui aussi d’une rare puissance, sans compter que la colère, même si elle alourdit les coups, diminue la réactivité et l’équilibre que tout bon guerrierse doit de maitriser lors des combats de cette trempe.

« Bien, vous avez raison capitaine, j’en ai peut-être trop demandé et vos prérogatives vous empêchent d’aller plus loin. Sincèrement, cela me convient, je ne vois pas l’utilité de continuer à épuiser votre patience. À dire vrai, je suis plus que fatigué de tout ceci. »

A l’écoute de ses paroles, Kioshi relâcha légèrement la pression sur ses muscles, jusque là prêts au mouvement. Cet Arrancar semblait être un Arrancar plutôt droit et franc, ce qui permit au capitaine de se détendre. La dernière prise de parole de l’Espada surprit Kioshi. L’identité des capitaines du Seireitei ne faisait pas grand mystère, pensa Kioshi, il retrouverait son nom rapidement. Mais peu importait à ce moment là, le capitaine se devait de remplir ses devoirs avant de satisfaire sa curiosité personnelle.

« Tu arrives toujours au bon moment, Momoiro, dit le capitaine avec un léger sourire, merci de t’être occupé de Gorokishi et de Kojiya. Il est inutile de rester là, prends Aiko-chan et Eichi-kun avec toi. Je vais récupérer le sang qui est tombé lorsqu’il s’est mutilé et je te rejoinds. En passant, fait envoyer une équipe pour nettoyer cette zone. »

Alors qu’Inochi passait le portail, le capitaine sortit un petit flacon dont le capuchon était équipé d’un demi coton tige, et ramassa ce qu’il put de sang. Ceci fait, il pénétra à son tour dans le passage.

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EXTRAIT RAPPORT DE MISSION XKC-22653150000000

Echantillon : Tissus musculaires et épidermique.
Sujet : Arrancar inconnu.
Etat : Extrêmement dégradé.

Rapport :
Au vu de l’état des échantillon, seule une analyse superficielle a pu être effectuée. Les tissus sont faits de particules spirituelles n’émettant pas d’énergie d’elle-même (d’où la décomposition rapide). Le muscle à une densité comparable à celui d’un Shinigami moyen (supérieur d’un facteur de 1,12%). L’épiderme est plus résistant et plus complexe dans l’encastrement des cellules ce qui a pour conséquence une plus grande résistance. (Trop mauvais état pour évaluer précisément cette augmentation de résistance).

Note :
Peu de tests ont pu être faits, les échantillons s’étant complètement désintégrés 23 minutes et 53 secondes après le début des expérimentations.
- Eldric Kioshi

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Echantillon : Sang.
Sujet : Arrancar Absalon Elhinger (Nom non vérifié).
Etat : Utilisable.

Rapport :
Sang comparable à celui formé par les particules spirituelles des Shinigami. Présence de molécules inconnues qui servent selon toutes vraisemblances à propager les particules qui permettent la régénération rapide. Le code génétique présent à l’intérieur présente un croisement entre celui des hollow et d’un mélange hétéroclite d’ADN humains. Présence détectée de restes de code génétique de Cervidé.

Note :
Cet échantillon permet surtout de confirmer les hypothèses formulées sur la nature des Arrancars. Il est cependant à noter la présence d’une parcelle d’ADN de cervidé surement propre à cet Arrancar en particulier.
- Eldric Kioshi

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Note générale sur la mission :
Même si les échantillons se retrouvent très peu utilisables, le contact a permis de faire une analyse directement sur un sujet vivant. Rapport psychologique de la rencontre à venir.
- Eldric Kioshi

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