Les colosses d'éternité [Sujet terminé]

Je n’aime pas être enfermé.
Entre quatre murs, écrasé par un plafond trop bas, je me sens comme fauve dans une cage. Il n’y a rien de pire que ce sentiment de claustrophobie, cette angoisse qui nous cisaille sans que l’on puisse en comprendre la raison. J’ai peur des boites.
Les plaines, les vallées, les mers et les montages, je crois me souvenir de ces lieux étourdissants et gigantesques. Je me suis vu corsaire, ou marin, ou bien encore marchand. Je ne sais plus laquelle de ces version est la vraie, peut-être qu’aucune d’elle ne l’est. Ceci étant, je crois avoir eu un profond attachement pour l’océan durant ma vie passée. Le ciel était le toit de mon royaume, la mer était le champs que je cultivais. Je crois bien que je fus le seigneur de ces étendues liquides, car les vagues me servaient de berceau et le vent fut mon compagnon fidèle et silencieux.
J’ai été roi, j’ai été père, je suis mort maintenant et personne ne s’en soucie car mon nom a aujourd’hui disparu des mémoires.
Pourtant je ne me plains pas. Il y a pire que de mourir et de perdre toute trace d’existence. Je vis dans un palais immense qui vaut bien un océan, j’ai sous moi des milliers d’Hollow qui voudraient me surpasser et seulement quatre d’entre eux y parviennent encore. La première place n’est pas loin mais à quoi bon l’atteindre si c’est pour livrer d’inutiles combats pour la suprématie ? Mon rang me procure suffisamment de confort de vie, et le respect de mes semblables m’est acquis. Que demander de plus sincèrement ?

Du tabac !

Il ne m’en reste plus, et le désert du Hueco Mundo n’a rien à m’offrir, il n’y a aucune pousse d’herbe parmi ses dunes et ce n’est pas faute d’en avoir cherché. J’avais prévu une vingtaines de caisses en réserve, et toutes sont désespérément vides, comme ce foutu château dans lequel il ne se passe jamais rien en somme ! Les autres Arrancar flânent ici et là, occupés à leurs activités sans s’occuper de celles des autres. C’est bien la paix, mais la paix sans tabac est comme un lac sans poisson. C’est absurde, un non sens total ! Et cette même paix se transforme en ennui mortel.

Je suis un martyr.
J’ai ma charge de pathétique prostré sur mon pilier, le fourneau de ma pipe vide et avec très probablement un air d’embarras imprimé sur mes traits. Cet endroit est en temps normal mon sanctuaire mais l’absence de tabac le rend bien triste à mes yeux.
Il s’agit d’une chambre secondaire de Las Noches sur laquelle je suis tombé par hasard durant mes errances. C’est une pièce d’environ cinquante mètres de long et presque autant de large, taille raisonnable par rapport au gigantisme du palais. Les murs, le plafond sont entièrement blancs, jusque là rien de bien surprenant dans le choix des teintes, toutefois la salle se distingue de par un détail assez étonnant. Une sorte de bassin recouvre quatre vingt quinze pourcents du sol, et l’eau qui y clapote à cette propriété particulière de calmer les esprits. De la piscine émergent également des piliers gigantesques de marbre immaculé qui sont plantés en rangées parfaites telles des colonnes d’anciens temples païens. C’est beau, c’est simple, c’est symétrique.

Mais sans tabac le charme de la pièce ne parvenait à m’émouvoir comme elle le faisait habituellement. Rien, pas même un zeste de sérénité. Et cette absence m’irritait ainsi que la perspective de retourner dans le monde des humains. Toutefois une existence sans tabac ne méritait pas d’être vécue. Je n’avais donc d’autre choix que de mander quelques Arrancars sans numéro et les sommer de venir avec moi. Évidemment je pouvais me contenter d'envoyer ces idiots faire le travail, mais ces hérétiques étaient incapables d’identifier un bon produit et je préférais ne pas avoir à bourrer ma pipe avec de la mousse durant les dix prochaines années.

Courage et volonté, c’est ce dont j’avais besoin pour me motiver à me bouger mais bizarrement mon corps me parut plus lourd, comme pour m’enjoindre à rester là et à me détendre…
Les jambes ballantes dans le vide à dix mètres du sol, le chapeau pendant tristement devant mon visage, je devais offrir un bien triste spectacle.

Faiblesse … c’est le meilleur mot qui puisse caractériser les humains. C’est sur cette pensée que Karaleth arpentais la route de retour vers Las Noches.
Le regard bas, avec un semblant de sournoiserie, la Novena avançait tranquillement en se remémorant la triste scène macabre a laquelle elle venait de participer. En effet, il est parfois dur pour un Arrancar, Espada qui plus est, de réfréner ses pulsions les plus primitives de Hollow : Manger. C’est cette pensée qui la conduisit à aller se repaitre dans le monde des humains. En l’espace de quelques secondes elle avait emmagasiné assez d’âmes à l’aide de son Gonzui, cette funeste capacité qui ne sert qu’à absorber les âmes des faibles, elle s’en retourna de par le Garganta dont elle était rentrée. Simple, et efficace, que demander de plus ? Les Arrancar sont vraiment supérieurs aux hollow, autant par le pouvoir que par la rapidité à trouver sa nourriture.

Une fois parvenue à l’entrée de l’immense palais, elle ressentit une petite turbulence de reiatsu, comme a son habitude, le Quinto Espada devait être d’assez mauvaise humeur, et pour le même raison. Karaleth ne parvenait toujours pas a comprendre l’obsession qui prenait Absalon, pour du tabac, être si mal luné lui semblait tout bonnement impossible, ce qui ne semblait pas si évident pour tout le monde …

D’humeur relativement bonne par rapport a l’habitude, elle pris la direction de la salle ou il se trouvait, afin d'aller converser avec son ainé, bien que ce dernier était réputé pour être relativement asocial si il n’avait pas de tabac. Parvenue dans la salle, elle le vit perché sur l'un des pillier qui surplombais l'espèce de ... piscine. D’un pas déterminé elle arriva a la gauche du Quinto et lui adressa ses quelques mots avec un ton soucieux, sonnant si faux qu'il révéla son petit côté hypocrite et curieux :

« - Bien le bonjour, Absalon-sama, vous m’avez l’air quelque peu énervé, que se passe t’il ? »

Elle n’attendait pas réellement de réponse, elle le savait bien … elle cherchait simplement a lancer la conversation. Une sensation bizarre se fit ressentir dans son bras, lorsqu’elle regarda elle comprit aussitôt que ce n’étais que le sang d’une de ses nombreuses cibles qui coulait encore le long de son bras. Tandis que quelques gouttes coulèrent avant de s’abattre sur le sol, Karaleth s’inclina tout de même devant Absalon, qui était malgré tout, son supérieur.

La maîtrise de soi.
Ou la capacité à contrôler ses nerfs lorsqu’ils étaient mis à mal par un facteur extérieur particulièrement irritant. Ou bien encore la faculté de ne pas faire exploser la zone environnante dès que la colère montait. C’était de calme dont j’avais besoin. Me reposer, m’éloigner de toute chose qui pouvait éprouver ma patience et me pousser à faire des choses que je pourrais regretter par la suite.
Comme balancer un Cero sur un de ces maudits piliers et casser ainsi l’harmonie parfaite de la salle. L’un d’eux me lorgnait vicieusement par ailleurs. Pensait-il que parce que j’étais aveugle, je ne le voyais pas ? Pas très malin de sa part, non vraiment pas. Je sentis la caresse légère de l’énergie spirituelle au centre de ma paume, et peu à peu cet effleurement délicat devint aussi dur et brutal que la roche. Ma main luisait d’une aura grisâtre inquiétante et je me préparais à faire ravaler sa fierté à ce maudit poteau orgueilleux.
Puis vint quelqu’un qui m’interrompit dans mon délire paranoïaque. Je dissipa le Cero et porta mon attention sur cette présence approchante. Le pylône avait gagné un sursis grâce à l’emmerdeur qui approchait. Ou plutôt l’emmerdeuse. Comment ne pas reconnaître ce reiatsu si particulier ? À la manière d’un prédateur particulièrement perfide, l’énergie que dégageait Karaleth Kakita semblait vouloir s’infiltrer là où elle le pouvait pour vous asphyxier de l’intérieur. Un reiatsu d’hypocrite, de bête affamée de pouvoir qui vous poignarderait dans le dos si cela pouvait lui servir.

Je ne l’aimais pas. Si jeune et pourtant si corrompue. Elle était de ces Arrancar à avoir emprunté l’évolution typique des Hollow. Manger pour faire taire la faim n’était pour elle pas un but en soi mais un moyen, celui de devenir plus puissant davantage à chaque congénère dévoré. C’était à la fois si basique et si triste cette quête de puissance. Pourquoi devions nous nous tuer mutuellement pour évoluer ? Notre race était-elle prédestinée à s’entredéchirer pour l’éternité sans que cette guerre ridicule ne cesse jamais ? Evidemment, c’était d’ailleurs pour cela que nous étions reclus dans ce monde sans vie alors que dehors Shinigami et humains parvenaient à vivre ensemble.
J’en pleurerais presque de cette fatalité si seulement j’avais été pourvu d’yeux à ma création.
Les échos de ses pas approchaient rapidement et la Novena pénétra dans la salle, son air de curiosité malsaine sur le visage comme à l’accoutumé. Je la vis me remarquer de là où j’étais et l’instant d’après elle se tenait à mes cotés. En plus de chiante, était-elle rapide ! Et manifestement c’est moi qu’elle voulait voir, quelle divinité avais-je offensé pour être traité ainsi ? Plus de tabac et de surcroît une Espada parfaitement enquiquinante, histoire de parfaitement entamer ma bonne humeur.

Et voilà qu’elle recommençait son petit numéro de valet servile et mesquin. Sa voix avait sonné toute aussi creuse à mes oreilles que le reste de son attitude. Elle n’avait strictement rien à faire de ce qui m’arrivait mais posait néanmoins la question pour satisfaire ses petites plaisirs sournois. En plus de ça, voilà qu’elle ne foutait-elle pas du sang partout sur mon beau pilier !

« Karaleth Katina, je ne vais pas dire que ça me fait plaisir de te voir. À dire vrai, tu étais la dernière personne que j’espérais croiser aujourd’hui. Moins je t’ai dans mes pattes, mieux je me porte. »

Oh que j’étais rustre ! On pourrait me taxer de macho ou de gentleman à deux sous, je répliquerai sans hésiter que cette femme tenait plus du serpent que du beau sexe ! Elle aurait pu être mignonne pourtant si la fausseté ne s’était pas incrustée dans ses traits comme un second visage.
Elle me gonflait mais à un point !
À venir ramper là où sont les puissants comme pour s’abreuver de leurs forces !
Charognard !

« Enfin puisque tu es là, je suppose qu’il va falloir que je m’y habitue. Et pour répondre à ta question, dis-je renfrogné en montrant ma pipe, le soucis il est là. Je dois me rendre chez les humains pour pouvoir fumer de nouveau, et avant ça, il va falloir que je me coltine la présence de minables qui acquiesceront au moindre de mes ordres, une lueur quasi exaltée au fond des yeux. Je parie même que si je leur demandais de foncer dans un mur, ces crétins le feraient sans hésiter. Et avec ça, j’ai des chances de croiser deux ou trois Shinigami en route, et je n’ai nullement envie de me battre contre ces incapables. »

Je me sentais fatigué de devoir me retenir pour ne pas l’envoyer manger le pylône d’en face. Mais bien que l’envie ne manquait pas, ce ne serait pas raisonnable. Après tout elle n’avait pas encore craché tout son venin.

A ces mots la Novena étouffa un petit rire. Elle savait pertinemment qu’Absalon ne l’appréciait pas, mais c’est justement ce sentiment qui la poussait à le taquiner sans arrêt.
Elle s’approcha un peu plus du Quinto, donnant la fausse impression de devenir menaçante, elle rétorqua avec un air suffisant.

« - Que de méchancetés pour une visite de courtoisie, est-ce le manque de cette drogue qui vous rends ainsi … Absalon-sama »

L’insolence de Karaleth n’était pas encore arrivé à son paroxysme, avec un Arrancar comme Absalon, qui était déjà d’une humeur massacrante, elle n’avait pas besoin de dire grand-chose pour le provoquer d’avantage.
Il est vrai qu’une partie de son être était semblable à un serpent, Karaleth avait toujours trouvé une certaine jouissance à provoquer ses adversaires, mais elle prenait encore plus de plaisir à enquiquiner l’Espada n°5.
C’était sa façon de lui montrait qu’elle l’appréciait au même titre que ses quatre ainés, Elle se mit à hauteur du Quinto et fit glisser un petit sachet plastifié de sa manche, qu’elle attrapa avec la main dans sa chute et le porta à hauteur du visage d’Absalon.

« - N’est-ce pas ceci que vous cherchiez par pur hasard ? dit t’elle sur ce même ton d’insolence.
Je l’ai obtenu lors de mon dernier passage dans le monde des humains, et j’ai remarqué que c’était exactement ce que vous recherchiez. J’ai donc pensé que cela pourrait … vous intéresser. »

Elle posa le sachet à côté d’Absalon et ajouta avec un ton tout a fait différent du précédent, tenant bien plus du sérieux que de l’insolent.

« - Je sais que vous ne m’appréciez guère, Absalon-sama, mais ne vous méprenez pas pour autant sur mon compte, je vous respecte au même titre que Selfura-sama. Ni vous ni moi ne tirerions quelconque profits à conserver de si mauvaises relations. »

Puis, à nouveau sur un ton moqueur, elle conclut :

« - Si vous tenez tant à détruire ce pilier, n’hésitez pas, je les ai toujours trouvés affreux. »

Étouffant à nouveau un petit rire, ce même rire forcé et provoquant qui énervait énormément Absalon; elle retourna sur le sol, pensant que cette conversation prendrait fin ainsi, sur cette pseudo-révélation qu’elle venait de faire au Quinto. Elle trouvait d’ailleurs étrange de la part de son ainé qu’il la considère comme cela, la Novena avait toujours affirmé son respect envers les cinq Espadas de Las Noches. Elle s’approcha de l’espèce de piscine grotesque de la pièce, et trempa son bras ensanglanté dedans, l’eau la fit frissonner, elle se demandait pourquoi elle était si froide.

« A quoi bon avoir une espèce de piscine si c’est pour congeler dedans … » Pensa-t-elle …

Sérieusement, j’avais vraiment du dire ou faire quelque chose à une entité supérieure pour me retrouver dans une telle situation. J’avais en horreur d’être redevable envers quelqu’un, non pas par fierté ou honneur, mais simplement car une dette établissait un lien dont il était difficile de se défaire. Et ce même lien, en plus d’être inextricable et exigeant, donnait l’impression à votre créancier d’avoir du pouvoir sur vous.
Et ça c’était particulièrement chiant.
Alors quand Kakita sortit de sa manche l’herbe tant désirée, je fus agité de deux sentiments contradictoires. De l’irritation de prime (sentiment quasi permanent chez moi), à cause de cette impression de me faire acheter, et surtout de la gratitude.
Horreur !

Je lui étais redevable de m’avoir amené mon petit bonheur personnel, et rien à part ce tabac n’aurait pu me faire plus plaisir. Et elle le savait. Et je savais qu’elle le savait. Elle-même devait également savoir que je savais qu’elle savait. Que c’était compliqué les relations sociales.
Lorsqu’elle quitta le pilier pour aller se rincer le bras en contrebas, je n’esquissa pas un geste. Pourtant mon corps tout entier se tendait vers le sachet posé à mes cotés. Dans un élan de mauvaise foi absolue, j’aurais pu lui dire que ce petit sac ridicule tiendrait à peine une journée toute entière. Mais j’étais chiant, pas ingrat. Ma main glissa vers le sachet et le saisit. Je sentis l’herbe crisser à l’intérieur et ce son me revigora. Sans rien dire, je sortis du contenant quelques fines touffes de tabac que je déposa délicatement au fond du fourneau de ma pipe. Je n’eus qu’à claquer des doigts pour que l’herbe s’embrase et c’est avec un contentement à peine dissimulé que je sentis l’odeur de la fumée s’élever. Mon addiction satisfaite, je reporta mon attention vers la Novena.

Il est vrai qu’elle était casse pied, fausse et hypocrite. Néanmoins son geste m’avait touché car il n’était motivé par rien. Peut-être avait elle espéré inconsciemment obtenir ma sympathie ou mon estime, mais tous les habitants de Las Noches connaissaient mes humeurs et savaient qu’on ne m’achetait pas avec un cadeau aussi dérisoire. Mais quoi alors ? Elle l’avait fait pour être gentille ? C’était si opposé à l’idée que j’avais d’elle qu’une telle attention relevait de l’ordre du miracle. Trois fois hélas, des remerciements s’imposaient. Et je savais que cela allait m’arracher la langue.
Quand je disais qu’elle était chiante.
Je me leva, la pipe coincée entre les dents, et me laissa choir de mon pilier. L’atterrissage aurait brisé les jambes d’un humain mais en tant qu’être spirituel, la chute me parut aussi violente qu’une brise matinale. Nonchalamment je m’approcha d’elle, de bien meilleure humeur que quelques minutes auparavant. C’est avec, à ma grande surprise, une voix adoucie que je déclara :

« Écoute Kakita, je n’ai rien contre toi. Je ne t’aime pas au même titre que les autres, ne le prends pas pour toi personnellement. Ainsi que tu me respectes ou non, je dois bien t’avouer que je m’en moque un peu. Non pas par condescendance, mais simplement parce que mon estime n’a pas plus de prix que celle d’un autre arrancar. Ainsi ne cherche pas à me plaire parce que tu t’en sens obligée à cause de nos numéros, je ne te tiendrai pas rigueur de cet oubli. »

Et puis l’envie monta, aussi soudaine qu’imprévisible, volonté impérieuse à peine maîtrisable. D’un geste rapide, je tendis mon index vers un pilier, celui là même qui m’avait dévisagé grossièrement. Le Cero gris apparu au bout de mon doigt et la déflagration qui en suivit détruisit en un instant le pylône mal élevé. Les quelques gravats qui en restèrent tombèrent dans le bassin et l’eau fut agité de quelques remous.

« Je le détestais tout particulièrement celui-ci… »

Bon, c’était le moment tant redouté, celui qui éveillait à chaque fois que l’on y pensait, une sensation d’étouffement désagréable.

« Je suppose que…je dois te remercier pour ça, dis-je en désignant ma pipe fumante, donc…merci… »

J’avais mal à mon égo. Et elle devait exultée de m’avoir arracher ce signe de reconnaissance.

Le bruit retentissant des débris s’entrechoquant surpris Karaleth, car ces dernière s’apprêtaient à s’écraser sur elle. Laissant l’apparence de ne pas avoir esquivé la roche, Karaleth réapparu dans le dos de son ainé, si près de lui qu’il ne la remarqué que lorsqu’elle susurra a son oreille avec une voix douce :

« - Ne vous méprenez pas, je n’essaie pas d’acheter votre gratitude ni votre estime, je l’ai simplement fait parce que je vous apprécie, même si je passe mon temps à vous taquiner, c’est une façon comme une autre »

Etouffant un nouveau petit rire enfantin, elle utilisa à nouveau son sonido pour réapparaitre cette fois ci devant les restes du pauvre pilier qui n’avait rien demandé à personne.

« - Il est encore plus affreux ainsi … pauvre chose, il n’a rien fait pour mériter d’être crée ainsi, à la fois si inutile et si hideux … »

Un désir irrépressible l’encourageait à faire de même que son ainé, elle ne parvenait pas à comprendre pourquoi, mais ce désir a la fois plaisant et excitant ne trouvait pas d’explication plus simple dans l’esprit de Karaleth :
La Destruction. C’est tout ce qui lui importait. La Novena ne vivait que pour ce mot.
Anéantissement, Ruine, Saccager, Détruire, Désintégrer … voilà ce qui pouvait caractériser au mieux la façon de penser de Karaleth.
En transe, elle aligna machinalement sa main avec la base du pilier qui avait tant bien que mal résisté à l’attaque d’Absalon. Une énergie foncièrement destructrice envahit la pièce, la main de la Novena s’illumina d’une lumière verte, avec en son centre, une petite sphère rouge sang. En un instant, le pilier chancelant qui avait résisté au précédent coup, était totalement réduit en poussière, littéralement évaporé, dissout, corrodé par l’attaque de la Novena.
Ce n’était pas qu’un simple cero, l’instinct ravageur de Karaleth l’avait conduite à y condenser son reiatsu corrosif à cette attaque en apparence banale. Lorsqu’elle sortit de son état second, elle ajouta avec un semblant de moquerie :

« - Au moins comme ça, personne ne remarquera qu’il y’avait un pilier, et encore moins qu’il avait été à moitié anéanti. Maintenant que j’y pense, je crois que même le maître ne le trouvait pas à son gout.»

Un léger crépitement s’échappa du bassin, les débris qui étaient déjà tombés dans l’eau s’évaporaient a leur tour, le liquide en apparence d’une neutralité affligeante avait visiblement été corrompu par les résidus de reiatsu de l’attaque de Karaleth. La Novena s’approcha du bord de l’eau et jeta un œil au liquide, donnant normalement un aspect bleuâtre mais incolore de par nature, il était à présent légèrement vert et laissait échapper un souffle emplit d’agressivité.

« - Suis-je maladroite, je n’ai pas retenu mon coup visiblement, mais je dois reconnaitre que cet aspect lui va beaucoup mieux ! »

Sur ces mots elle savait cependant que tout le monde ne serait pas de cet avis, elle saisit donc un petit flacon de sa poche et versa son contenu dans l’eau, qui retrouva son aspect originel.
Elle avait totalement oublié que le Quinto était présent, elle pensait avoir parlé toute seule, machinalement comme elle le faisait lorsqu’elle recherchait de nouvelles formules pour toute sortes de poisons plus ou moins dévastateurs. Elle n’aurait probablement pas fait ce qu’elle venait de faire si elle n’avait pas complètement oublié qu’Absalon était dans la zone, mais quand elle y repensait, elle s’en foutait complètement. Sans un mot, elle prit la direction de la sortie, mais elle s’arrêta brusquement en ajoutant :

« - Ah j’allais oublier, je compte sur votre discrétion à propos de ce que j’ai versé dans le bassin, je n’ai pas encore eu l’occasion de le peaufiner, et je tiens à ce qu’il reste secret jusqu'à ce qu’il soit … parfait, vous comprenez sûrement Absalon-sama. »

L’arrogance.
Attitude nonchalante qui contraste avec des capacités prodigieuses. Ceux qui, fiers de leur puissance, se servaient de leurs pouvoirs comme si cela ne leur coutaient rien, sont de parfaits arrogants. Il y a également ceux qui en faisaient usage impunément et sans raison, simplement pour prouver que ce sont eux les plus forts et qu’ils ont l’avantage quelque soit le contexte.
Mais un peu d’humilité, c’est trop demander ?

Karaleth était retombée au même niveau d’estime que les autres dès l’instant où elle s’était servie de son Sonido pour m’impressionner. Risible. S’il était difficile de la voir se déplacer, écouter le bruit de ses mouvements était bien plus aisé. J’ignore si elle avait voulu réellement me surprendre, mais en tout cas elle avait bien foiré son effet. Le son de son corps qui brassait l’air dans ses déplacements était fracassant, comment en faisant autant de boucan, pouvait-elle sincèrement croire qu’elle me prendrait à défaut ?
Bah, je suppose que c’est comme la confiture, moins on en a, plus on l’étale.

En plus elle réitérait son « affection » pour moi. Cet amour unidirectionnel aurait pu prêter à rire, mais n’étant pas complaisant, cela me faisait plus de la peine qu’autre chose. Elle manquait à ce point de tendresse pour venir en chercher à mes cotés ?
Je la sentis alors s’éloigner de moi et se précipiter vers le pilier que je n’avais que partiellement détruit. Enfin un peu d’air ! Sa présence était étouffante et l’entendre s’écarter me fit un bien fou. Néanmoins l’avoir dans mon dos me répugnait et c’est avec circonspection que je me tourna dans sa direction. Elle ressemblait à une gamine qui se préparait à essayer un nouveau jouet. Mais il n’y avait rien d’innocent là dedans, plutôt que de me la représenter enfant en train de s’amuser avec une jolie poupée, je la voyais plutôt torturer un chaton en riant aux éclats. Cette impression de soif de sang qu’elle diffusait était franchement sordide.

Au moment où l’image de Karaleth scalpant un bébé chat se dissipa de mon esprit, le Cero de la Novena fusa et balaya le reste de la colonne de marbre. Si moi-même je m’étais attaqué à ce pylône, c’est simplement parce que je l’avais pris pour cible de ma frustration, mais elle, pourquoi s’était-elle sentie obligée de le détruire à son tour ?
La mort et la destruction, elle était comme les autres Hollow au final, et son apparente humanité ne changeait pas le monstre qu’elle était. Son geste gentil ne signifiait hélas pas grand-chose non plus, à peine était-ce une réminiscence de la petite fille qu’elle avait dû être.
Ah que je me sentais bien seul, entouré de tous ces barbares.

Le Cero s’éteignit et la pièce retrouva son calme. Du moins jusqu’à ce que l’eau du bassin derrière moi se mit à émettre des crépitements plus que suspects. C’était curieux, le liquide semblait corroder les bords de la piscine. Cette gamine ne semblait visiblement pas se contrôler, elle parvenait à rendre tout ce qu’elle touchait détestable. Ce n’était plus de la flotte mais de l’acide !
La Novena fut de nouveau à mes cotés, un sourire content aux lèvres. Je ne sus pas vraiment ce qu’elle fit après s’être penchée au dessus de l’eau corrosive, mais lorsqu’elle se releva, la piscine avait retrouvé son aspect naturel. Je l’entendis s’éloigner sa tâche accomplie et je ne chercha d’ailleurs pas à la retenir. Puis ses ultimes mots résonnèrent, et comme sa compagnie me déplaisait et que je n’avais strictement rien à cirer de ses petites cachoteries, je n’eus que pour seule réponse :

« Ouais… »

Ses pas s’éloignèrent et je me retrouva seul, enfin.

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