Sous une averse, une ombre se dessine. [Pv Alexander]

Belle journée que nous avions là … Le soleil irradiait de ses rayons parallèles le rukongai. Ayo, à l'ombre d'un cerisier, se délectait de sa cigarette loin du remue-ménage quotidien du seireitei. En cette journée de printemps le pollen virevoltait, emporté par une brise rafraichissante. Le capitaine les apercevait entre deux faisceaux lumineux. Ce ballet dansant était agréable. L'astre solaire l'importunait quelque peu … Lorsque l'on vit la nuit, le moindre éclair incandescent était une torture, et les yeux du capitaine se rééduquaient peu à peu à la lumière du jour. La lassitude le gagnait souvent, et il était vrai que les devoirs d'un capitaine pouvaient parfois peser … Ce matin encore, s'étant levé avant l'aube, il avait entamé sa journée de labeur en signant encore et encore les diverses requêtes et rapports sur son bureau. Il essaya d'en lire le plus possible, avec attention et sens du travail. Toujours les mêmes «je soussigné, Capitaine de la dixième division, atteste avoir prit en considération votre demande» accompagné d'une signature. L'écriture du Taisho était illisible, ses lettres ressemblaient bien plus à des pictogrammes. Son père lui disait de son vivant : «la belle écriture est l'intelligence des idiots», si tel était le cas, alors Ayo devait être un génie. Sur ces pensées il esquissa un léger rictus, presque indescriptible. Il était peu expressif, de plus il ne savait pas sourire, un rictus trop prononcé et son faciès entier se défigurait … Après presque 300 ans d'existence spirituelle, il était encore capable de décrire dans les moindre détails ses parents … remarquable certes … Mais les imaginer renforçait son sentiment de solitude, leur disparition avait détruit l'homme, mais l'âme, elle, subsistait … Cette flamme qui poussait chaque être à la souffrance de la vie plutôt qu'à la délivrance de la mort …

Encore un fois, l'esprit d'Ayo dérivait ... et il sentit vite une gêne s'installer dans son corps. Une irrépressible envie de changer d'air … Il était temps pour lui de regagner ses quartiers, en passant une nouvelle fois par ce sempiternel chemin de dalles blanches … Arrivé à ses bâtiments, une lettre cachetée l'attendait sur son bureau … «ordre de mission»… Il l'ouvrit …

«Missive adressée au capitaine de la dixième division, Ayo Koduko.

Les services de surveillance du gotei 13 ont observé des mouvements pendulaires d'une source de reiatsu d'origine inconnue. L'entité la possédant n'a pas encore été identifiée, bien qu'elle dissimule sa pression spirituelle, le rapport est formel, l'être est doté d'une force conséquente. Ses mouvements sont répétitifs et dessinent des allés-retours du lycée de Karakura à ce que nous supposons être son domicile. Étant donné qu'il se dissimule dans la masse des humains nous supposons que l'individu est, soit une âme, soit un humain possédant des capacités.

Votre but est d'entrer en contact avec la cible afin de tirer plus ample information de celle-ci. Si elle se révélait hostile, vous avez une entière liberté pour décider du sort de la cible.

Ci-joint : Carte détaillée de Karakura avec un marquage des itinéraires fréquemment employé par l'individu.

Respectueusement.»

Une mission … Cela lui permettra de bouger un peu. Mission banale en soi, reconnaissance, identification … (élimination) … Combattre … Depuis combien de temps n'avait-il pas combattu ? Longtemps … Et pourtant il ne souhaitait plus réitérer l'expérience … Combattre sous ordres de quelqu'un était dénué de sens, le seul combat qui se justifiait était celui pour la survie. C'était un raisonnement primaire certes, mais les instincts de survie prime sur l'ensemble des maximes d'un individu … Qui aurait envie de mourir ? Qui aurait envie de servir de chair à canon ? Ayo avait déjà subit cette manipulation … Et il doutait de plus en plus des intentions des dirigeants de la soul society … Néanmoins, jouer le rôle de bon petit soldat était pour le moment la seule option qui lui était accessible. Avant de faire bouger les choses, autant prendre de l'assurance, rallier des gens à ça cause. Chose on ne peut plus ardue lorsque l'on fait fuir plus qu'on attire …

Passons. Il se mit en route vers le Dangai où les deux gardes attendaient sa venue, il fit lire sa lettre et passa sans encombre. Il se retrouva vite dans le monde réel ...

On lui avait remis un gigai, chose qu'il n'avait jamais utilisé. Sensation bizarre que d'être dans un corps artificiel, chaque geste qu'il faisait engendrait un crissement caoutchouteux de ce corps de plastique … Il semblait raide, et se déplaçait avec difficulté. Sa démarche était risible … Plusieurs humains se moquèrent de lui. D'ailleurs à quoi ressemblait le monde des humains ? Des maisons singulières, des routes parallèles, peu de circulation, en plein milieux de semaine, l'effervescence de karakura s'estompait. Le ciel était bas et sombre, la pluie perlait sur le visage cerné du capitaine ... quel agréable sentiment. La pluie venait bénir ce moment de calme, elle venait absoudre les tracas du shinigami. Il s'attarda un instant sur ce rideau de trainées linéaires qui s'imposait devant lui. Le soleil le tracassait souvent, la pluie elle, lui redonnait le goût de vivre, peut-être était-il déséquilibré … sans doute. Bien qu'elle soit salvatrice, cette eau tombée du ciel ne sut ouvrir le visage fermé qu'était le sien, mais il continua son chemin d'un pas plus assuré.

La supposée habitation de la «cible»... devanture coquette, un savant mélange de sobriété et de goût, sans doute la maison d'un homme mûr. Il devait le rencontrer … Ayo opta donc pour une approche directe, la bâtisse semblait vide, il attendit donc adossé au mur de façade, les mains dans les poches, la tête baissée, sentant l'eau ruisseler sur sa nuque ...

Il alluma une cigarette, le point rougeoyant contrasta avec le décor monochrome des alentours ...

S'il avait eu le temps, il aurait conversé avec l'âme de son zanpakutoh, le seul être qui le comprenait vraiment. Ayo était un puissant shinigami, parce qu'il tirait toute la quintessence de sa force grâce à sa symbiose presque totale avec son âme sœur. Beaucoup de shinigamis voient en leur zanpakutoh une source de puissance, et pense qu'en connaissant le nom de leur arme, tout leur était acquis. Ceux-ci étaient dans l'ignorance la plus insondable, ce qui faisait la force d'un dieu de la mort ne résidait pas dans l'effilement d'une lame, mais dans le lien inébranlable qui unit deux âmes. Le plus solide des alliages n'est que terre cuite face à la détermination de deux êtres complémentaires. La pluie redoublait de vigueur, les gouttes caressantes des premières minutes de l'averse finissaient par fouetter le visage du capitaine. Le ciel devenait suie, et se déchirait en éclairs blancs. Un vrombissement sourd les accompagnait et rajoutait de la superbe à cette symphonie de cliquetis de l'eau sur le revêtement de la chaussée. La nature était véritablement parfaite ... Elle reprenait finalement ses droits. Voyez ces badauds qui pensent dominer la terre comme le ciel, voyez comme ils courent pour se mettre à l'abri, voyez comme ils craignent la colère de mère nature, tout au plus cet orage n'était qu'une saute d'humeur de la déesse, et pourtant il courbaient l'échine, implorant le pardon de celle qui avait la capacité de leur ôter la vie à chaque instant ... Ôter la vie ... Les dieux de la mort avaient eux aussi ce pouvoir, l'avaient-ils hérité ? Le méritaient-ils ? Difficile de trouver une réponse à pareil question ... Décider de qui doit vivre et qui doit mourir est une responsabilité bien trop grande pour que de simples âmes à l'instar des shinigamis puissent en être digne. Beaucoup ne réalisaient pas qu'un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ...

Si l'on ne l'avait pas interrompu, Ayo aurait encore pu débattre des heures avec lui même, mais le bruit de pas sourds et lourds vinrent tirer le shinigami de ses réflexions pluvieuses ...

«Que puis-je faire pour toi, inconnu ?»

Une ombre ... une silhouette solmbre se dessinait dans le flou de l'averse. Un long parka noir, sous lequel un homme imposant se tenait droit et fier. Le peu de lumière venait se refléter dans ses lunettes rondes et donnait à ce personnage l'image plutôt glauque d'un homme qui vous sonde, qui vous traverse de ce regard lumineux. A pareil distance il était difficile de décrire plus en détails ce géant, mais sa carrure semblait plus qu'imposante, revêtu de son manteau, on aurait dit une montagne humaine qui se dressait devant le shinigami. Mais ce qui frappa d'avantage le capitaine fut l'émanation de reiatsu de ce corps immense, il était en effet à l'instar du personnage, considérable, une énergie spirituelle tranchante et intense. Il n'était pas shinigami, c'était une certitude, mais cette forme de pression spirituelle lui était inconnue … Qu'était-il ? C'était sans aucun doute l'individu dont parlait le rapport … Inconsciemment, Ayo espérait que cet homme ne devienne pas hostile, car il n'aurait pas d'autre issue que d'engager le combat …

Sa voix était rocailleuse, et grave. Son ton plutôt monocorde et lent. Il avait de la prestance, et pouvait en intimider plus d'un. Ayo se redressa, rabattant ses cheveux détrempés qui couvrait le haut de son visage, il laissa tomber le semblant de cigarette qu'il conservait entre ses lèvres. Au contact de la chaussée humide elle siffla un instant et la fumée qui s'en dégageait s'estompa peu à peu. Il fronça les sourcils pour éclaircir sa vue, mais cela n'eut pas d'utilité, l'ombre noire était trop éloignée et semblait dissimulée derrière un rideau de gouttes toujours plus dense. Il était temps de lui répondre. D'une voix tout aussi monocorde que son interlocuteur, il rétorqua :

«Ayo Koduko, à qui ai-je l'honneur ?»

Nom ... prénom … ainsi énoncée la réplique du shinigami incitait le second acteur de cette scène à, lui aussi, donner son patronyme. En attendant sa réponse, un combat silencieux s'installa, chacun voyait en face de lui une ombre, deux fantômes se faisaient face, la tension était déjà palpable alors que cette entrevue ne faisait que débuter ...

Cette sensation était plaisante... celle d'un rencontre dont on ne connait l'issue, le goût à la fois sucré et amer d'une totale ignorance qui s'impose d'elle-même. L'étranger ne semblait pas hostile, ou tout du moins, ne le serait pas dans l'immédiat. Le Quincy remarqua avec quel flegme remarquable se tenait son mystérieux interlocuteur. Il se tenait là, nonchalant mais à la fois imposant. Une prestance calme et certaine de sa force... Alexander tentait de décrypter le personnage qui lui avait répondu avec un ton des plus neutres :

«Ayo Koduko, à qui ai-je l'honneur ?»

Répondre à une question par une autre question, ou comment imposer pacifiquement sa propre présence par rapport à celle qui lui fait face. «Une rhétorique de Shinigami», pensa-t-il, alors que la pluie ne cessait pas de peser de tout son poids sur ses larges épaules. Alexander gloussa :

«Tu es devant chez moi, et tu me demandes qui je suis ? Un peu étrange, n'est-ce pas ? Mais tu me fais l'honneur de ton nom, alors sache le mien : je suis Alexander Godwrath.»

Le Quincy céda de nouveau le silence au vacarme de la pluie qui commençait peu à peu à calmer sa divine et céleste furie. Son interlocuteur semblait posséder un reiatsu au-delà de ce qu'il ne voulait montrer, ce qui en faisait une personne potentiellement capable de sentir le sien. Il était donc inutile de faire durer sempiternellement cette discussion... Ami ou ennemi, cela ne servirait à rien de rester sous la pluie plus longuement, et il entreprit de se diriger vers sa porte pour y entrer comme si Ayo n'existait pas. De l'intérieur, sa voix rocailleuse résonna :

«Ne tournons pas plus longtemps autour du pot, "Ayo Koduko"... Franchit ce seuil, installe-toi, et dis-moi ce que tu es, ainsi que ce que tu me veux.»

En attendant, Alexander était déjà en train de s'emparer d'une serviette pour se sécher les cheveux, après avoir accroché son pardessus quelque part pour qu'il y sèche. L'intérieur de la maison était très sobre et assez austère, bien que quelques touches personnelles pouvaient en dire long sur l'homme qu'était Alexander. Des peintures étaient encadrées, représentant diverses cultures rencontrées par delà le globe. Il en était de même avec les bibelots qui parsemaient sa cheminée, comme une tour Eiffel miniature, une petite statue de la Liberté, des masques tribaux africain, ... L'invité lambda pouvait aisément deviner le caractère explorateur de son hôte, simplement en caressant la pièce principale des yeux. Une médaille accompagnée d'un papier étaient même visibles ostensiblement, scellés dans un cadre, et posés entre diverses babioles posées sur une armoire. Une croix était déposée juste à côté.

Un sifflement traversa la porte pour parvenir aux oreilles du Shinigami... C'était une théière, préparée spécialement pour l'heure du thé. Car si Alexander était membre d'une famille allemande, il n'en avait pas oublié ses racines profondément anglaises...

«Tu es devant chez moi, et tu me demandes qui je suis ? Un peu étrange, n'est-ce pas ? Mais tu me fais l'honneur de ton nom, alors sache le mien : je suis Alexander Godwrath.»

Éloquence ... S'il fallait définir ce titan aux cheveux blonds, l'éloquence serait le premier terme à venir à l'esprit du shinigami ... Il n'avait dit qu'une simple phrase, et pourtant le capitaine décelait déjà en cet être un homme cultivé et instruit. Son ton ne comportait aucune note d'agressivité, ou même de déni. L'expérience de l'âge sans doute. Les aléas d'une vie bien remplie, la sérénité qui découle de la douleur, comme rempart aux agressions extérieures. Philosophie qu'il affectionnait. La force d'un homme ne se résume pas à sa musculature, le mental prime. Mais apparemment cet humain possédait ces deux qualités ... Une carrure de géant associé à un mental d'acier, les préjugés sur la fragilité de l'être humain s'éclipsaient totalement lorsque l'on avait en face de soi, un individu disposant d'une telle aura ... Non pas de forec spirituelle, mais d'une présence qui force le respect, l'une de celle qui pousse machinalement les faibles à mettre genou au sol et à s'incliner. Si le monde où il vivait ressemblait encore à celui qu'Ayo avait connu, cet européen n'aurait eu qu'à claquer des doigts pour que ses moindres désirs ne deviennent ordres aux oreilles de ses vassaux ...

Cette montagne s'avança vers le capitaine, d'un pas lent et assuré, il ne ressemblait en rien à ces colosses au pieds d'argile dont la voix tonitruante dissimule leur faiblesse de cœur. La pluie tombait encore à torrent, et cette eau issue des entrailles des cieux venait glisser le long de son pardessus noir, il semblait ... inatteignable. L'invincible et irrésistible ombre s'installa sur le seuil de l'entrée et invita le shinigami à pénétrer dans sa demeure.

«Ne tournons pas plus longtemps autour du pot, "Ayo Koduko"... Franchit ce seuil, installe-toi, et dis-moi ce que tu es, ainsi que ce que tu me veux.»

Il se retourna, et ouvrit la porte de chêne. Ayo le suivait sans rétorquer, il était vrai qu'il n'était pas accoutré pour supporter plus longtemps les intempéries. Alexander accrocha son long manteau afin de le sécher, puis le colosse disparu furtivement dans une pièce malgré sa carrure qui ne passait pas inaperçu. Ayo resta immobile sur le seuil. Préférant respecter les lieux, il attendit l'accord de son hôte pour prendre plus amplement ses aises. En attendant le retour de l'homme, Ayo jeta un regard furtif à travers la demeure. Spartiate … mais coquet … Le mobilier était extrêmement sobre, austère même … mais les décorations de goûts et d'origines variés informaient l'invité sur le caractère aventurier de cet homme atypique.

L'homme l'invita à s'installer en face de lui, et Ayo s'exécuta, le thé était servit … Du thé. A la vue des traits européens de son hôte il aurait plutôt songer à se voir servir un bon café, néanmoins, le thé était fort et chaud. Le capitaine fixa longuement la tasse blanche dépourvu de hanse, les volutes de vapeurs ondulaient et dissimulaient en partie le visage de l'homme mûr; Ses traits marqués et ses lunettes rondes contrastaient avec sa coiffure en bataille … Cet homme avait vécu, Ayo en était sûr, il faisait une cinquantaine d'années et à en juger par ses trophées ornementaux, il avait parcouru le monde. Peut être que le Japon était l'une de ses nouvelles destinations, et qu'il ne s'attarderait pas dans les alentours … Ou alors était-il las de cette vie d'aventure, où l'on ne lie aucun lien .. où l'on vogue dans l'esprit des gens sans les marquer … Sans doute …

Ayo prit une gorgée de thé, le liquide était brûlant et réchauffer le corps du capitaine transi par le froid de l'orage. Comment allait-il justifier sa venue ? Lui dire qu'il était venu se renseigner sur lui aurait peut être été déplacé, mais l'européen lui avait fait grâce de son hospitalité, la sincérité était la seule chose qu'il pouvait donner en retour …

«Je suis présent ici pour identifier la source de pression spirituelle qu'est la tienne, mon ordre de mission est très clair et se résume en une identification de l'individu et de son pouvoir. Toutes mes excuses pour mon manque de tact et mon approche direct, mais deux options se profilaient à moi. Soit espionner, soit rentrer en contact. Et à la vue de ta clairvoyance, il aurait été inutile de t'épier ...»

Instinctivement, il l'avait tutoyer … Non pas que cela était un manque de respect pour cet homme d'âge mûr, mais Ayo ne pouvait se résigner à vouvoyer un individu, et peinait déjà à le faire pour ses supérieurs hiérarchiques. Un simulacre de silence s'installa, Alexander sondait de son regard perçant l'homme qu'était le capitaine. Ce regard inquisiteur aurait pu paraître déplacé, mais les suspicions vis à vis de qui était le shinigami restait entière, hormis son patronyme, il n'avait ni dit son rang, ni dit d'où il venait.

Ayo prit une nouvelle lampée de thé, il sentit le liquide glisser dans ses entrailles et mordre son estomac à l'instar d'un serpent chassant une proie. La douce sensation d'un corps qui se réchauffe à l'abri de la tempête … Dehors, les trombes d'eau déferlaient avec toujours autant de vigueur, frappant et fouettant les fenêtres de la chaumière, mère nature se déchainait, les deux protagonistes l'avaient-ils offensé ?

L'étranger avait accepté son hospitalité, comme prévu. Si celui-ci était un Shinigami comme il le pensait, il avait le mérite d'être quelqu'un de très bien éduqué, ce qui conforta le Quincy dans le fait que ces faux-dieux n'étaient pas tous irrécupérables... Il se dégageait une présence remarquable de ces yeux paisibles. Un de ces pacifismes de façade qui permettait à un guerrier de savourer quelques moments de quiétude entre deux champs de bataille, et qui finissait toujours par s'ancrer profondément au plus profond de son âme, lui donnant ce charisme si particulier de vieux samouraï. Un climat paisible s'était ainsi installé tout naturellement entre les deux hommes, malgré le manque de connaissances notables entre les deux protagonistes de la pièce. Finalement, Ayo reprit la parole :

«Je suis présent ici pour identifier la source de pression spirituelle qu'est la tienne, mon ordre de mission est très clair et se résume en une identification de l'individu et de son pouvoir. Toutes mes excuses pour mon manque de tact et mon approche direct, mais deux options se profilaient à moi. Soit espionner, soit rentrer en contact. Et à la vue de ta clairvoyance, il aurait été inutile de t'épier ...»

Alexander afficha un sourire si large, qu'il lui remonta jusqu'aux oreilles. "On" l'avait envoyé, pour "identifier une source de pression spirituelle". "On" devait forcément se référer au Gotei 13, le repère des faux-dieux, drapé dans les voiles célestes. Enfin un Shinigami, donc. Alexander n'avait pas encore eu l'occasion d'en croiser un ici, ce qui était étonnant vu leur propension à surveiller tout et n'importe quoi sur cette bonne vieille Terre. Il cala ses avant-bras sur la table, joignit les mains, et répliqua avec toute la sincérité requise :

«Je me demandais quand est-ce que vous alliez enfin vous montrer. Là où je vais, je croise régulièrement des collègues à vous autres, mais toujours du menu fretin... Je ne m'intéresse pas à ceux-là. Par contre, tu ne me sembles pas avoir été forgé dans le même moule, tu doit être un peu mieux placé que tous ces freluquets.»

Il marqua une pause, puis cala son dos contre le dossier de sa chaise en croisant les bras sur son torse. Il fit une moue pensive, mais reprit aussitôt le fil de ses dires :

«Tu me fais l'honneur de ta diplomatie, Shinigami, je t'offrirais donc la vérité que tu cherches. Officiellement, mon nom complet est Sir Alexander Godwrath... Quincy. Je suis de ceux que tes semblables supportent avec grand mal, voire pas du tout, car si nous avons le même objectif, nous n'avons pas les mêmes idéaux. J'espère que cette réponse te sied, et que tu pourras en faire bon usage auprès de tes supérieurs. Maintenant, vu que les cieux nous gratifient de toute leur miséricorde, autant parler un peu de toi. Qu'es-tu ? Un Troisième Siège ? Un Lieutenant ? Un Capitaine...? Bien que je ne pense pas en valoir suffisamment la peine, pour qu'un capitaine de division se déplace, haha !!»

Son rire clair se propagea dans la pièce et fit l'effet d'un bon feu au coin d'une cheminée. Si une vieille connaissance à Alexander avait été présent, il aurait pu attester du fait que c'était la première fois que le Quincy parlait avec autant de sérénité à un Shinigami. La scène n'en était que plus cocasse...